Décarcérez. Cachez cette prison que je ne saurais voir

LHUISSIER Sylvain, Éd. Rue de l’échiquier, 2020, 91 p.

Que d’idées reçues véhicule la prison, toutes plus fausses les unes que les autres. Sylvain Lhuissier les met à mal, avec talent. Des prisons trois étoiles ? Certes, aucun établissement pénitentiaire n’est comparable. Et si les Maisons centrales enfermant les longues peines ne présentent un taux d’occupation que de 74 %, les Maisons d’arrêt atteignent un taux de 138 %, entassant les détenus dans des cellules surpeuplées, parfois envahies de punaises de lit et de cafards. Les prisons, c’est fait pour les condamnés ! On compte parmi les détenus, 42 % de détention provisoire mélangeant des auteurs de petits délits et d’autres bien plus impliqués, justifiant l’adage voulant que la prison soit l’école du crime. Les détenus devraient payer leur détention ! Ils le font déjà, en assurant les services généraux (restauration, entretien, blanchisserie) pour 20 à 30 % du SMIC. Le travail en prison ne se heurte pas au refus des détenus, mais à sa pénurie, un tiers d’entre eux seulement pouvant en bénéficier. La justice est laxiste. Si la justice n’était pas sévère, comment expliquer que la population carcérale a été multipliée par 2,5 entre 1978 et 2020 ? La prison est là pour enfermer les meurtriers, les violeurs et les pédophiles. Ces catégories représentent 1,5 % des condamnations. Les autres infractions conduisant à l’incarcération sont : les vols et recels (26 %), les délits routiers (19 %), les coups et violences volontaires (14 %), les stupéfiants (13 %) et les outrages, rébellions (6 %). La prison a pour fonction de protéger la société des délinquants. En la matière elle échoue, puisque les taux de récidive à sa sortie atteint les 59 %. Ils ont même droit à des formations. A la prison de Fleury Merogis, sur les 1 500 détenus postulant, seuls 300 en bénéficient chaque année. On sort généralement d’une incarcréation plus désocialisé et plus violent, plus en colère et plus malade qu’on y est entré. Fort de ces constats, l’auteur avance des propositions qui n’ont rien d’utopiques, puisqu’elles ont déjà fait leurs preuves dans des pays comme la Norvège : circonscrire la sévérité de la détention aux détenus dangereux ; favoriser tous les dispositifs alternatifs existants (Travaux d’intérêt général, composition pénale, justice restaurative) ; doter de personnels de soins, de formation, d’accompagnement pour mieux préparer les conditions de sortie.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1318 ■ 24/05/2022