Démocratie: le devoir d’éducation

LE PENNEC Yann, L’Harmattan, 2008, 123 p.

Pendant longtemps, la société traditionnelle proposa à ses membres un parcours très balisé, avec des rites de passage qui inculquaient la soumission aux règles sociales. Une autorité théocratique s’exerçait de façon verticale, sans délais et sans contestation possible. La modernité a promu un individu singulier, doté d’une grande capacité à l’autonomie, à l’autodétermination et au jugement personnel. Pourtant, il est bien une réalité qui s’impose aujourd’hui comme hier : c’est l’immaturité biologique, physique et psychologique du petit d’homme, sa fragilité et l’exceptionnelle lenteur de sa maturité. Même si notre société semble  assujettir son bien-être à la satisfaction immédiate et à la jouissance de son désir, son éducation passe encore par la nécessité de différer et d’interdire, de faire barrage à l’emprise de ses pulsions qui cherche à éliminer les temps d’attente. « Chacun s’accorde à penser que l’enfant a besoin de limites ; mais qui fixera le curseur entre permissivité et contrainte ? » (p.57) Les adultes sont confrontés à la pression du consumérisme : aucune considération morale ou transcendantale ne semble devoir faire obstacle à la circulation infinie de la marchandise. Nombre de parents rencontrent des difficultés croissantes à faire supporter les renoncements nécessaires à l’intégration des interdits : ils se retrouvent en quête de l’assentiment de leurs enfants. Toutes les instances éducatives doivent repenser un modèle qui soit adapté au monde actuel. Certains préconisent un retour en arrière, se représentant la jeunesse comme un risque de désordre et une menace plutôt que comme une ressource pour l’avenir. Mais il est illusoire de croire que le retour à l’obéissance et à la docilité passive aboutirait nécessairement à une socialisation respectueuse du vivre ensemble. Attribuer à un enfant un statut de personne ne doit pas non plus conduire à récuser l’existence et la fonction asymétriques des adultes. Il ne s’agit pas tant de donner la parole à l’enfant que de lui permettre de prendre sa place en tant que membre du groupe social. Yann Le Pennec, après avoir dressé un état des lieux, préconise d’utiliser le droit comme support du respect de l’autre. Puisque l’apprentissage des règles de vie collective requiert désormais autant de frustration que de recherche de la compréhension, de la mobilisation et de l’adhésion de chacun, les éducateurs seraient bien inspirés d’associer les enfants aux processus de décision. Ce que les plus jeunes ont le plus besoin, c’est d’être confrontés à des adultes à la fois détenteurs de l’autorité, mais aussi convaincus de l’intérêt de faire vivre les valeurs démocratiques. Ce que revendique l’auteur est loin d’être une utopie. C’est ce qui se vit au quotidien dans les classes Freinet ou Montessori qui font la démonstration qu’une éducation basée sur la coopération et l’esprit d’association est possible.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°918 ■ 19/02/2009