Mike contre-attaque ! Bienvenue aux Etats stupides d’Amérique
Michael MOORE, La Découverte, 2002, 232 p.
L’anti-américanisme est en progression constante à travers le monde. Ce mouvement de fond est proportionnel à la politique d’une nation qui est tout particulièrement marquée par l’égoïsme, le cynisme et la toute puissance insolente. Egoïsme quand elle oblige son industrie pharmaceutique à produire à prix coûtant des médicaments pour faire face à un début d’épidémie du charbon qui s’avère n’avoir concerné que moins d’une dizaine de ses concitoyens, mais qui s’oppose à la vente à bas prix de traitements qui permettraient de sauver des millions d’êtres humains atteints du sida à travers le monde. Cynisme, quand elle fait la guerre à des régimes qu’elle a contribué à mettre en place, dès lors que ceux-ci ne servent plus ses intérêts (Noriega au Panama, Talibans en Afghanistan, Sadam Hussein en Irak…). Toute-puissance insolente quand elle refuse de participer à la réduction de l’effet de serre, alors qu’avec seulement 5% de la population mondiale, elle consomme près de 40% de l’énergie disponible. Le contentieux est donc lourd. Il risque de s’alourdir encore plus, à la lecture du dernier ouvrage de Michael Moore. Ce citoyen américain rebelle et lucide porte un regard sans concession sur un pays qu’il aime, mais dont il regrette les dérives militaristes et libérales. A l’écran, on a pu apprécier il y a deux ans le désopilant et insolent « The big one ». Il a récidivé tout récemment avec un « Bowling for Columbine » grave et pathétique. L’humour féroce de l’auteur s’était aussi exercé en littérature avec sa « Petite balade dans le cauchemar américain ». On le retrouvera ici dans un portrait au vitriol dont la lecture peut être considérée comme un acte de salubrité publique. On y apprend notamment comment la poignée de milliardaires qui truste le gouvernement américain a décidé de la réduction massive de budgets jugés non prioritaires : bibliothèques fédérales (-39 millions de $), formation des travailleurs au chômage (-200 millions de $), médecine pédiatrique avancée (-35 m. $), fonds pour l’enfance et le développement (-200 m. $), réhabilitation des logements sociaux (-700 m. $), programme contre la maltraitance des mineurs (-15,7 m. $), programme communautaire d’accès aux soins destinés aux malades dépourvus d’assurance médicale (diminution de 86%) etc … Les sommes nécessaires à la rénovation de l’ensemble du système scolaire (en piteux état) s’élèvent à 112 milliards de $. Le gouvernement lui a préféré une augmentation du budget militaire de… 1.600 milliards en quatre ans. Depuis 1979, les 1% d’américains les plus riches ont vu leur fortune s’accroître de 157%, quand les 20% les plus pauvres ont subi une baisse de 100 $ de leurs revenus annuels. Ainsi, les premières victimes de la première puissance du monde ne se trouvent pas forcément à l’étranger. Mais cela n’est pas vraiment une consolation !
Jacques Trémintin – Décembre 2002