Flic. Un journaliste a infiltré la police

GENDROT Valentin, Éd. Goutte d’or, 2020, 293 p.

L’infiltration d’un journaliste dans un milieu professionnel n’est pas nouvelle. Cela avait déjà eu lieu dans les prisons, les asiles ou le monde de la précarité. Mais, pas dans la police. Voilà qui est fait. Valentin Gendrot commence par passer le concours d’adjoint de sécurité où il reçoit une formation « low cost » de trois mois qui lui apprend bien plus à menotter, à procéder à une palpation et à tirer, qu’à accompagner une femme victime de violences conjugales. Sa première affectation le propulse à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de Paris où il véhicule des patients. L’occasion d’être témoin de leurs contentions systématiques. Puis, il intègre un commissariat du XIXème arrondissement. Là, ce n’est ni le bâtiment vétuste, ni les voitures cabossées qui le choquent le plus, mais le sentiment d’intégrer une bande à bord d’un bateau ivre. Se lançant dans ce qu’ils nomment « la chasse aux bâtards », les policiers de la patrouille qu’il intègre tutoient, insultent et frappent des jeunes hommes parce que noirs, arabes ou migrants. Il assistera à une scène de pure violence au cours de laquelle un adolescent est tabassé. Le policier agresseur s’appuiera sur les faux témoignage de ses collègues pour déposer plainte contre la victime accusée d’« outrage et menace contre personne dépositaire de l’autorité publique ». Si, alors même qu’ils sont sensés lutter contre la violence, le sexisme et le racisme, ces fonctionnaires en sont souvent à l’avant-poste, cela tient certes à une formation au rabais ou au sentiment d’être intouchables, hiérarchie et pairs fermant les yeux ou couvrant leurs dérapages. Mais, c’est aussi dû à cette usure que l’auteur a ressentie lui-même, quand il a mesuré la chute de son degré de compassion et d’empathie après seulement six mois d’immersion.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1283 ■ 10/11/2020