Psychothérapie de Dieu

CYRULNIK Boris, Éd. Odile Jacob, 2017, 314 p.

Même si chaque culture lui donne une forme spécifique, la religion constitue un phénomène mental universel qui sauve un grand nombre d’individus. Celui qui est malheureux a besoin d’aller chercher des explications magiques pour lutter contre son malaise. La croyance lui permet de se relier à une force au-dessus de la condition humaine. Croire donne du sens à sa vie : celui qui a un pourquoi peut vivre n’importe quel comment. Dans un contexte où le groupe est ainsi structuré et les blessés solidarisés, le déprimé se sent capable de remanier sa mémoire douloureuse. On est soulagé face à l’adversité quand on croit à un Dieu qui rassure, remonte l’estime de soi et indique la direction du bonheur. La religion apporte aussi des bénéfices socialisateurs, en produisant une niche sécurisante comportementale et verbale et en émettant des interdits qui structure la vie de groupe et l’appartenance, en lui fixant des limites. Il n’est donc pas étonnant que l’esprit humain ait créé jusqu’à 50.000 divinités différentes. Pour autant, la religion peut aussi provoquer d’immenses malheurs. Car, lorsqu’elle se dérègle, elle produit des troubles culturels (les guerres), psycho affectifs (fanatisme) et neurobiologiques (extases se transformant en hallucinations délirantes). Ses lois non critiquables, car d’origine divine, ouvrent la voie aux totalitarismes. Toute religion présente le risque de l’enfermement sur elle-même d’une communauté qui se clôture entre adeptes de la même croyance, prêts à en découdre avec les autres cultes. Face à une mondialisation qui noie les identités dans un monde auquel il est difficile de se sentir appartenir, la rigidité des croyances religieuses procure un sentiment de protection venant chasser les incertitudes et les insécurités. La menace d’exclusion et le sentiment de solitude activent la recherche d’attachement qu’elles procurent. Si l’élaboration mentale permet d’agir sur la souffrance, en remaniant les circuits neuro émotionnels, il n’y a pas que la religion qui le favorise. Une psychothérapie ou une création artistique y concourent tout autant. Il n’est pas nécessaire de croire en Dieu pour en obtenir tous les bénéfices. Certes, face aux sept milliards de croyants habitant notre monde, les cinq cents millions d’athées font pâle figure. Mais ils progressent discrètement face à l’affirmation bruyante des religieux. On trouve autant de délinquance que d’immoralité chez les uns que chez les autres, avec toutefois plus d’amour du même et du mépris de l’autre chez les premiers et plus d’altruisme envers l’être humain quelle que soit sa croyance chez les seconds.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1253 ■ 11/06/2019