Jeunes et djihadisme. Les conversions interdites

JEFFREY Denis, LACHANCE Jocelyn, LE BRETON David, HAJ SALEM Jihed, Éd. Chronique Sociale & P.U.L., 2016, (2016)

Le basculement d’un jeune dans la radicalisation, alors que rien ne semblait l’y prédisposer, peut s’expliquer par un changement paradigme. Les récits collectifs susceptibles de répondre aux attentes de valeurs et de significations ont disparu dans une société considérant ses membres comme seuls responsables de ne pas être à la hauteur des performances qu’elle attend d’eux.

Les recruteurs djihadistes surfant sur les failles et les blessures morales ainsi générées, proposent une bouée identitaire. Face à la demande inassouvie de reconnaissance sociale, ils offrent un prêt-à-croire mythique et structurant. L’appartenance incertaine est remplacée par la communauté des élus, la position d’impuissance par une sensation de force, l’angoisse de l’incertitude par des réponses claires et univoques, la fragilité de l’estime de soi par un rigorisme comblant le sens de l’existence, le ressenti d’évanescence par la transcendance, le sentiment d’insignifiance par l’exaltation du pouvoir de tuer et de torturer au gré de ses pulsions.

Nul ne prenait le jeune au sérieux ? La conversion lui permet dorénavant d’imposer ses normes. Il enfile une prothèse qui décuple sa virilité. La proximité de la mort constitue la promesse de se transformer en surmâle. L’assentiment de Dieu lui procure la cuirasse de l’invulnérabilité. Terrifiant !

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1286 ■ 05/01/2021