Ecole, familles: le malentendu

Sous la direction de François DUBET, Textuel, 1997, 160 p.

L’opposition entre les familles et l’Ecole n’est pas chose récente. Elle peut même être considérée comme fondatrice d’un système scolaire dont Turgot, ministre de Louis XVI préfigurait l’esprit dès 1782 en affirmant «seul l’Etat a le droit d’éduquer» . Car, pour la tradition française, l’Etat, c’est la raison, la science, la langue nationale, l’égalité des chances là où la famille privilégie la superstition, la religion, le patois et l’hérédité des privilèges. Pendant longtemps, l’école a été conçue comme un monde à part, préservé de l’extérieur, base de la construction de l’unité nationale et incarnation de la République. Les bouleversements qui sont intervenus depuis une trentaine d’années -et notamment la massification des élèves qui accèdent tous au collège et de plus en plus au secondaire et bien plus qu’avant au supérieur- ont complètement changé les règles : à la sélection d’entrée a succédé la concurrence entre établissements, les uns permettant l’accès aux filières nobles les autres moins ou pas du tout. L’école chargée d’ambitions ne peut pas ne pas décevoir.

Le débat est toujours d’actualité qui s’interroge sur l’appartenance de l’enfant et le rôle réciproque dévolu respectivement aux parents et aux enseignants. Les premiers se voient confier la tâche de concourir à l’apprentissage des élèves et les seconds de ne pas se contenter d’instruire mais aussi d’éduquer à la fonction citoyenne.

Face à l’échec scolaire, il est convenu d’accabler la famille, il est moins courant d’en accuser l’école. Les classes populaires sont communément accusées d’être « incapables », les classes moyennes d’être « trop capables » (d’en faire un petit peu trop en quelque sorte).

L’enfant qui devrait être le point de jonction entre les deux institutions qui le prennent en charge, se trouve plutôt pris en otage par un travail scolaire qui s’évalue non en terme d’épanouissement intellectuel mais en quantité de temps qui lui est consacrée... voire sacrifiée.

N’est-il pas temps enfin de penser à établir un nouveau contrat entre l’école et la société civile qui transformerait les citoyens parents (qui interviennent au sein des établissements pour défendre l’intérêt de leur enfant) en parents citoyen (qui se positionneraient bien plus en tant que co-éducateur) et permette de reconstruire la cité scolaire comme cité de droit (en y faisant entrer les droits et obligations de la citoyenneté)?

François Dubet s’est entouré d’autres signatures prestigieuses (telles François de Singly, Bernard Charlot et Philippe Meirieu) pour nous proposer une réflexion sur cette question essentielle du rapport entre familles et école. Toute une partie de l’ouvrage est consacrée à une présentation de statistiques et repères permettant de bien situer l’état et la problématique de l’école aujourd’hui.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°393 ■ 10/04/1997