Les intelligences multiples - Pour changer l’école: la prise en compte des différentes formes d’intelligence

Howard GARDNER, Retz, 1996, 236p.

Pendant des millénaires, l’intelligence a été conçue d’une manière instinctive: elle se mesurait surtout dans l’art et la manière dont l’individu arrivait à tisser les liens interpersonnels. L’apprentissage et la transmission du métier se faisaient alors au coeur de la famille.

Et puis est venue l’industrialisation avec ses bouleversements de civilisation. On a très vite cherché à quantifier l’intelligence qu’on a alors identifié aux habiletés à lire écrire et compter: on a d’abord essayé de la mesurer à l’aune du temps de réaction puis à partir des ondes cérébrales. Mais, c’est le français Alfred Binet qui met au point au tout début du siecle un système d’évaluation qui fera sa notoriété mondiale : le Quotient Intellectuel.

Il aura fallu attendre de parvenir au seuil du XXI ème siècle pour qu’à l’occasion des avancées notables des sciences cognitives et des neurosciences, un certain nombre de réajustements soient élaborés. Et c’est bien Howard Gardner qui lance dès 1983 le pavé dans la marre. Si l’intelligence, explique-t-il, est bien cette faculté de résoudre des problèmes ou de produire des biens qui ont de la valeur dans une culture donnée, alors la méthode des tests standardisés proposés dans un cadre neutre et décontextualisé ne mesure qu’une partie du potentiel humain. Et l’auteur de dénoncer les dérives que sont l’occidentomanie (croire que notre culture occidentale constitue le seul et unique point de référence), la testomanie (basée sur une vision de l’intelligence comme entité pure) et l’élitomanie (ne retenir que certaines performances, en négligeant les autres). En lieu et place de cette vision unique, le brillant professeur de Boston nous offre une vision plurielle de 7 intelligences, voire d’une huitième et peut-être une neuvième rajoutées récemment. Les aptitudes langagière et logico-mathématique qui sont traditionnellement validées ne sont que deux parmi toutes celles qui sont disponibles. Il y a aussi l’intelligence musicale, kinesthésique (utilisation précise de son corps pour effectuer tel ou tel geste), spatiale (repérage dans l’espace), interpersonnelle (entrer en relation avec autrui), intrapersonnelle (connaissance introspective de soi-même), naturaliste (capacité à repérer les différentes espèces de plantes ou d’animaux) et existentielle (interrogations sur les problèmes fondamentaux de l’existence). Chaque être humain possède des capacités de base dans chacune de ces intelligentes, mais, du fait de son histoire personnelle et familiale, certaines sont plus développées que d’autres.

Howard Gardner en déduit une dynamique scolaire qui viserait à évaluer les points forts et les points faibles de chaque enfant afin de répondre différemment aux dominantes de chacun plutôt que de tout ramener aux seules capacités langagière et logico-mathématique.

Autre axe sur lequel insiste l’auteur: l’importance, pour que l’une ou l’autre de ces intelligences puisse s’épanouir, de la placer dans un contexte riche et en interaction avec d’autres compétences complémentaires. D’où une évaluation qui ne doit plus se centrer sur l’individu mais sur les interactions entre individus et les sociétés.

Ce livre tout en présentant la théorie des intelligences multiples propose un tour d’horizon tant sur les objections qu’elle a soulevées et les développements auxquels il a donné naissance, que les implications dans le système éducatif (au travers du programme SPECTRE- à ne pas confondre avec l’organsiation maléfique en bute à James Bond).

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°393 ■ 10/04/1997