Rupture et actions solidaires au Sénégal
Tout a commencé par un éducateur salarié qui, fort de ses expériences passées auprès de jeunes de quartier, propose d’emmener un groupe en Afrique. L’idée séduit l’association Montjoie comme le Conseil Général d’Indre-et-Loire qui appuie le projet. Nous sommes en 2003, le premier séjour va durer cinq mois. Un couple de professionnels partage son quotidien avec 5 jeunes, aidé pour la cuisine et l’entretien par trois personnes recrutées sur place. Pourtant, très vite, en raison de l’accroissement du nombre de jeunes concernés et de l’augmentation de la durée du séjour, il apparaît nécessaire d’étoffer l’infrastructure. L’expérience de la première année va progressivement s’étoffer pour devenir un véritable dispositif éducatif. « Nous ne parlons pas de séjour de rupture » explique Bernard Lesbros directeur de la structure. « D’abord parce que si l’on peut parfois s’éloigner temporairement de son environnement, on ne rompt jamais avec son histoire. Ensuite, parce qu’il est réducteur de se limiter à cette dimension de l’éloignement. L’immersion dans une autre culture, la reconstruction et la remobilisation personnelles sont tout aussi importants. » Ce séjour est ouvert aujourd’hui tout au long de l’année pour quinze jeunes, avec entrée et sortie permanentes. La durée minimale de prise en charge est de quatre mois. L’hébergement est volontairement organisé loin de toute région touristique, à Dagana, ville situé à 125 km de Saint Louis, sur la rive du fleuve Sénégal. Il peut prendre diverses formes, depuis le séjour en famille d’accueil, jusqu’aux transferts ou chantiers en petit groupes (pas plus de quatre ou cinq adolescents en même temps), en passant par la solution d’un logement en appartement. En fait, le parcours proposé est très individualisé : les modalités d’accueil peuvent alterner ou rester les mêmes tout au long du séjour. Tout dépend de la problématique du jeune.
Le support de l’humanitaire
L’une des originalités de ce séjour, c’est bien l’investissement dans des actions solidaires. Rénover des salles de classe, installer des sanitaires pour une école, construire des cases pour les instituteurs… Pour autant l’association Montjoie ne se prend pas pour une ONG. Sa mission n’est pas de se lancer dans des actions de développement, mais bien d’aider des jeunes confiés par les services sociaux français. « Ce n’est pas notre métier de déterminer ce qui est profitable pour les populations locales. On a choisi de travailler avec des associations implantées au Sénégal et qui ont déjà des programmes d’action, de développement et de soutien aux populations locales. Elles n’ont pas besoin de nous, mais nous leur apportons une aide complémentaire » précise Bernard Lesbros. Une collaboration a pu ainsi être établie avec l’association CAURIS qui intervient dans le cadre du renforcement des méthodes pédagogiques et de certaines infrastructures scolaires et péri scolaires. A compter de la rentrée prochaine, un accord passé avec Caritas international permettra d’élargir la palette des champs d’action proposés aux jeunes aux domaines de la santé, de l’hygiène et de l’environnement. C’est là l’occasion de vivre une relation intense avec la population qu’ils épaulent. C’est souvent l’une des première fois où certains jeunes se sentent utiles et efficaces, eux qui ont cumulé tant d’échecs et de revers. D’autant que pendant le chantier, ils sont hébergés par les habitants du village concerné, ce qui renforce encore les liens.
Un encadrement qualifié
Sensible aux critiques formulées par le rapport conjoint de l’inspection des ministères des affaires sociales et de la justice, l’association Montjoie a tout particulièrement veillé à concilier la rigueur professionnelle qu’elle développe dans ses autres structures avec l’innovation, l’aventure, la réactivité qu’on trouve dans les séjours de rupture. C’est une équipe composée de cinq éducateurs spécialisés français, encadré par un directeur et un chef de service qui intervient sur place. Une quinzaine de personnels sénégalais ont rejoint l’équipe : huit accompagnateurs qui ont pour mission d’assister les éducateurs dans leur mission et presque autant de personnels de service. Quel résultat obtient ce dispositif ? Ce que l’on voit très vite, ce sont les effets immédiats et tangibles sur le comportement et a relation à l’autre. La plupart des jeunes qui arrivent sont en panne de projet et manifestent leur mal-être par des passages à l’acte violents. On constate très vite un effet sédatif, car les sénégalais ne donnent pas prise à l’agressivité latente. On remarque aussi une reprise de confiance de ces jeunes en eux-mêmes. « Quand on relit les rapports les concernant, on a du mal à croire qu’il s’agit des mêmes » constate Bernard Lesbros. Pour autant, il n’y a pas ici plus de visibilité que dans la plupart des établissements classiques quant à ce que deviennent les jeunes sur un plus long terme. L’équipe est en train de travailler sur une grille qui serait adressée aux quarante jeunes ayant séjourné au Sénégal depuis 2003. « Le séjour a des chances de porter ses fruits dès lors qu’il n’est pas une parenthèse dans la vie du jeune, mais un tremplin » conclue Bernard Lesbros qui insiste sur la nécessité d’une coopération étroite avec les services de l’ASE.
Lire interview Lesbros Bernard - Association Montjoie
Contact : « Dispositif éducatif Montjoie au Sénégal » (remplacé, fin 2009, par l’Association de promotion et gestion des séjours éducatifs) : 9, rue du Port, 72000 Le Mans
Tel : 02 53 04 86 39 ou 06 19 57 36 90 / bernard.lesbros@montjoie.asso.fr ou senegal@montjoie.asso.fr
Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°886 ■ 29/05/2008