Les Maisons Des Adolescents en version 2.0

Après une décennie de succès et d’efficacité, les MDA bénéficient d’une volonté affichée de validation et d’amplification.

Au début des années 2000, plusieurs rapports - dont ceux du Docteur Xavier Pommereau et de Claire Brisset Défenseure des Enfants- mettent l’accent sur les besoins spécifiques de santé des adolescents et sur la faiblesse des réponses disponibles. Même si les études épidémiologiques montrent que 85 % d’entre eux vont bien, cette classe d’âge constitue une période de fragilité potentielle pouvant s’accompagner de pertes de repères et de multiples ruptures en direction tant des parents, que du monde des adultes. Le choix des pouvoirs publics se porte alors sur un dispositif destiné non pas à concurrencer mais à s’articuler et conforter l’existant : Missions locales, Espaces santé jeunes, Points d’accueil et d’écoute jeunes ou les Points info jeunes, mais aussi les Points info famille et les Réseaux d'Écoute d'Appui et d'Accompagnement des Parents (REAAP). La conférence de la famille tenue le 29 juin 2004 lance le programme national de soutien aux maisons des adolescents. L’appel à projet lancé par la lettre circulaire du 5 janvier 2005 propose un cahier des charges pilotant la création de MDA qui précise clairement les trois publics destinataires : les jeunes âgés de 11 à 25 ans (traversant une période de doute de perte de confiance et d’incertitude), les parents (souvent eux-mêmes en plein désarroi) et les professionnels de santé, de l’éducation nationale du social, du médico-social et de l’éducation spécialisée confrontés tant aux adolescents en difficulté qu’aux familles en recherche d’une expertise.
 

Mode d’emploi

 
Au cours de la décennie qui suit, une centaine de MDA s’ouvrent, couvrant la quasi-totalité des départements, chacune d’entre elles déclinant d’une façon spécifique ses propres modalités de fonctionnement, en fonction du contexte local. Pour autant, plusieurs principes apparaissent très vite comme transversaux. Des permanences, d’abord, ouvertes sur de larges plages horaires adaptées aux mode de vie des adolescents et proposant, sans rendez-vous, un premier accueil immédiat (suivi si nécessaire de rencontres plus ciblées). La pluridisciplinarité des professionnels présents, ensuite : médecin psychiatre (ou pédopsychiatre), infirmier(ère), éducateur, psychologue, secrétaire, avec selon les cas la possibilité que se joignent à l’équipe une assistante sociale, un gynécologue, une nutritionniste. La diversité des accompagnements proposés, encore, qui peuvent être individuels ou collectifs. L’aménagement d’un pôle documentaire, toujours, proposant revues et dépliants fournissant des informations susceptibles d’intéresser les adolescents. Enfin, si elles offrent un lieu ressources pour es adolescents et leurs parents, les MDA en font tout autant pour les professionnels, organisant conférences, journées d’étude, groupes d’étude de cas, etc … leur permettant ainsi de se coordonner et de mutualiser leurs compétences face à cette classe d’âge. Quant aux personnels faisant fonctionner cette maison, ils peuvent être soit salariés directement, soit mis à disposition d’institutions partenaires (essentiellement les Missions locales, la Protection judiciaire de la jeunesse et l’Éducation nationale).
 

Un rapport élogieux

Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales commandé à Fadéla Amara et Pierre Naves portant sur le fonctionnement des MDA est rendu en octobre 2013. Il dresse un constat extrêmement positif, expliquant notamment la forte dynamique impulsée par le cahier des charges de 2005 qui favorisa le développement de ces structures et entrainant un partenariat multiple et pluridisciplinaire à même de les faire grandir et progresser. Forts de neuf à trente cinq intervenants en personnel propre ou mis à disposition, les MDA se montrent particulièrement performantes, poursuit le rapport, dans la prise en charge des violences qu’exercent les adolescents contre soi (comme dans les cas d’addiction), les violences subies (agressions sexuelles, par exemple) faisant moins l’objet de sollicitation. Les deux rapporteurs concluent à l’efficience et à l’efficacité des MDA, en affirmant qu’aucune autre organisation existante n’est en mesure de prendre leur relais ou de remplacer leur action. Quant à la carence de leur influence constatée en milieu rural et dans les quartiers défavorisés plaide pour leur renforcement. Les Agences régionales de santé constituent leurs principaux financeurs, les collectivités locales pouvant intervenir d’une manière moins pérenne. Les crédits fléchés (qui ne peuvent donc être affectés à un autre usage) accordés par les administrations centrales soucieuses de soutenir, envers et contre tout, les MDA ont permis jusqu’à présent de préserver leur financement. Mais, la tentation de certains ARS de réduire une partie des crédits qui leur sont accordés vient fragiliser ces dispositifs. Et les rapporteurs de recommander la rédaction d’un nouveau cahier des charges destiné à consolider et sécuriser les MDA.
 

La circulaire 2016

S’inspirant directement des préconisations du rapport de l’IGAS, une circulaire du premier ministre en date du 28 novembre 2016 établit un nouveau cahier des charges consolidant le dispositif et confortant sa dimension partenariale. Tout en rappelant les missions décrites en 2005 (accueillir en continu, garantir la continuité et la cohérence des interventions, proposer un lieu ressource, assurer un expertise pluridisciplinaire etc …), cette nouvelle feuille de route élargit le champ des compétences des MDA, avec notamment la possibilité de « contribuer au repérage des situations en risque » et « développer des dispositifs innovants et/ou expérimentaux » facilitant ainsi  le ciblage des adolescents en rupture et/ou restant en dehors des circuits traditionnels. Mais aussi, « participer à des projets de recherche pluridisciplinaire sur l’adolescence » afin de contribuer à l’amélioration des connaissances sur cette classe d’âge ou encore « favoriser la mise en réseau des acteurs territoriaux intervenant auprès des adolescents », afin de favoriser une meilleure cohérence dans des accompagnements encore trop souvent dispersés, parfois même s’ignorant encore les uns, les autres. L’action des pouvoir publics imprime deux mouvements complémentaires aux MDA. Le premier consiste à élargir leur champ d’intervention. Le second tend à leur confier progressivement une fonction de pilotage des actions engagées auprès des adolescents en proie à des difficultés faisant que leurs familles, les professionnels et les institutions atteignent, isolément, les limites de leurs compétences.
 

Vers une pérennisation ?

La circulaire établit enfin que le financement des MDA relève des ARS, des Conseils départementaux et des autres collectivités territoriales pour ce qui est au cœur de leur mission et de manière additionnelle pour des actions spécifiques ciblées. Rappelant que la prise en compte du public concerné relève des missions de l’intégration sociale et professionnelle, de l’éducation, de la protection de l’enfance et de la justice, le gouvernement invite à des co-financements et à des mises à disposition de personnels, sans toutefois aller au-delà de la seule incitation. La pertinence de ces dispositifs n’est plus à démontrer. Leur efficacité non plus. Innovation des politiques d’action sociale depuis plus d’une décennie, le choix aurait pu être fait de sanctuariser leur financement. Cela n’a pas été le cas. Si l’ambition affichée qui implique entre autre de poursuivre le maillage territorial des MDA veut atteindre ses objectifs, il faudra bien trouver les crédits nécessaires. A l’heure où les économies des dépenses publiques annoncées par les principaux candidats à la présidentielle se comptent en dizaines de milliards d’euros, la purge risque d’être douloureuse et la volonté d’amplification et de consolidation potentiellement menacée, comme à tous les étages de l’action sociale.
 
 
Le Chiffre : une MDA « de taille moyenne » reçoit entre 700 et 1000 jeunes par an (la plupart revenant deux ou trois fois et environ 150 à 250 parents (souvent plusieurs fois eux aussi notamment quand ils participent à un « groupe de parole »).
 
 
 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1205 ■ 26/04/2017