Association Carisport 1 - Cholet (49)

Carisport ou le sport épanoui au service de l’épanouissement du sport

Comment pratiquer l’équitation quand on n’a pas les moyens de financer la selle, la sangle et l’étrier de sécurité adaptés à son handicap physique ? Le pays des Mauges, au cœur de la Vendée militaire, a su trouver les moyens pour que les amateurs de sport viennent en aide à celles et à ceux que leurs difficultés empêchent parfois de pratiquer la discipline de leur choix.

Les dérives du monde du sport ont défrayé la chronique de ces dernières années. Matchs de foot truqués, dopage dans le cyclisme, double billetterie, corruption d’arbitres… à un bout de la chaîne, ce n’est pas toujours très reluisant. A l’autre bout, il y a toutefois très souvent de quoi redonner foi en ce qui se veut être un support essentiel à l’épanouissement et au bonheur de l’être humain. Une expérience vient conforter cet espoir : c’est Carisport.

 

Une idée généreuse

Dans Carisport, il y a d’abord caritatif. Le sport au service du caritatif : plus fréquemment tourné vers l’excellence, voilà le sport de haut niveau qui s’intéresse aux plus démunis. Comment ça marche ?

Claude Delaunay, un homme qui a construit sa carrière professionnelle en s’inspirant de l’esprit sportif, de ses exigences dans la compétition et le défi, a en 1991 une idée généreuse : organiser un tournoi de football et utiliser l’argent récolté à cette occasion en vue d’aider des populations handicapées physiques dans leur propre pratique sportive. Pour cela, il s’adresse à plusieurs écoles de foot de grands clubs. Cinq d’entre elles acceptent de se déplacer. Le premier tournoi a lieu en septembre 1992. Quatre communes ont accepté de s’associer à la manifestation, 1.500 spectateurs assistent au tournoi. Les 35.000F récoltés, Claude Delaunay, qui est devenu président de la toute nouvelle association qu’il vient de créer, décide de les répartir sur 3 projets. Pour ce-faire, il sollicite notamment Alain Morinière, directeur d’une maison d’enfants proche de Cholet, en lui proposant le financement de deux chevaux. Finalement, l’accord se fera sur l’acquisition de VTT. L’enthousiasme communicatif du dirigeant de Carisport finit de convaincre le responsable du foyer qui décide de se joindre à l’aventure en prenant en charge l’aspect social de l’association et plus particulièrement la redistribution des sommes recueillies. D’année en année, le nombre des équipes de foot concernées va s’accroître, celui des communes associées aussi et les sommes collectées vont progresser en conséquence. Au terme de la saison 1997/1998, c’est bien 12 équipes qui sont présentes, 10 communes qui accueillent l’opération et 165.175 F qui auront été gagnées et redistribuées.

 

Les bénéficiaires

Sur cette même année, 15 dossiers ont été acceptés allant de 5.800F pour la subvention la plus modeste (aménagement d’un swin golf pour un centre de post-cure) à 26.700 F (matériel de taekwondo et 6 VTT pour un centre social). Sur 6 années cumulées, 52 projets ont été financés (ou cofinancés) pour une somme globale de près de 690.000 F. La commission chargée de répartir les sommes disponibles s’est dotée d’une charte qui précise ses principes de fonctionnement. Agir en toute transparence par rapport aux donateurs, cibler les personnes les plus en difficulté qui présentent un réel besoin d’aide, favoriser l’intégration des populations bénéficiaires et leur ouverture sur l’extérieur, privilégier les équipements durables à utilisation collective... les critères de sélection ne retiennent pas un type unique de public en difficulté. Celui-ci peut relever d’une problématique physique, psychologique, comportementale, relationnelle, mentale ou sociale. L’objectif que se fixe Carisport peut se résumer dans sa devise « faire du bien par le sport ». Quelles que soient les limites et les capacités de chacun, le but est de permettre la découverte du plaisir de l’effort face à soi-même et aux autres, la réalisation d’une performance, l’affrontement mais aussi le vécu de la cohésion d’équipe. C’est bien cet esprit qui est avant tout recherché dans les projets qui sont soumis à l’association. En matière d’attribution, les membres de la commission gardent un certain nombre de souvenirs plein d’émotion. Telle cette salle de musculation financée à la demande d’un CHRS et que les pompiers de la commune ont décidé de venir fréquenter régulièrement. Ou cette livraison de voiliers à une section handisport qui inaugurera le matériel en embarquant un adolescent handicapé physique qui retrouvait pour la première fois depuis son accident les sensations de la navigation. Mais aussi, ce fauteuil d’esthétique financé à une structure accueillant des femmes battues et violées qui souhaitait réhabiliter l’image de soi et de son corps avant (et afin) de permettre à ces personnes de pouvoir s’engager dans une pratique sportive.

 

Un immense élan de solidarité

Mais la particularité de Carisport  ne se limite pas à cet élan de générosité. L’organisation même de l’opération constitue un fantastique support de solidarité et de lien social. Car, ne se trouve pas simplement impliqués les membres de l’association. A l’échelle des 10 communes engagées, c’est près de 600 bénévoles qui sont concernés par le tournoi de septembre. Les 12 équipes en provenance des 4 coins de la France se déplacent gratuitement. Pour autant, leur voyage et leur  séjour sont pris en charge pour chacune d’entre elles par l’une des communes organisatrices. Sur place, c’est 240 personnes (membres de l’équipe + accompagnateurs) qui sont logées dans des familles volontaires. Et puis, il y a toute l’infrastructure nécessaire à l’organisation des matchs sur 4 sites distincts. Montage et démontage des tribunes, permanence sur les stands, dans le buvettes, vente de la tombola… L’entrée du tournoi est gratuite. Les seuls bénéfices sont obtenus par toutes les activités annexes et le sponsoring. Beaucoup de monde se déplace ce week-end là. Les piliers de stade bien sûr, mais aussi bien d’autres spectateurs qui d’habitude ne se dérangent pas. C’est que le spectacle est de qualité et vaut le déplacement. Il permet de voir s’affronter des jeunes joueurs de moins de 17 ans issus de clubs aussi prestigieux que le Paris St Germain, le FC Sochaux ou le FC Nantes, les Girondins de Bordeaux ou le Stade Rennais qui sont les futurs professionnels du football parmi lesquels émergeront les vedettes de demain. Mais c’est aussi l’occasion de porter un regard différent sur la différence, sur l’autre, sur celui ou celle qui est exclu et vit dans la galère et qui à la suite de la manifestation de Carisport pourra rejoindre à son rythme et à sa façon ce qu’il est convenu d’appeler la grande famille du sport et qui en tout cas là, donne un contenu concret à cette expression. En septembre 1998 des initiatives sont venues se greffer à la rencontre devenue traditionnelle  depuis 6 ans : une rencontre entre les jeunes de l’équipe de l’A.S. Cannes et les jeunes toxicomanes soignés au centre de post-cure de Beaupréau ou encore ce tournoi parallèle organisé entre 4 équipes issus de CHRS.

La convivialité qui se manifeste au moment de récolter des fonds se retrouve quand il s’agit de les redistribuer. Très vite la commission chargée de cette tâche, à l’origine constituée de 4 personnes, s’est étendue à 19 membres, soit 2 à 3 personnes par commune participante. Les dossiers de candidature adressés au siège de l’association sont confiés à deux référents qui vont préciser et affiner la demande et la présenter devant l’ensemble de la commission qui donnera son avis. Mais, c’est bien au Conseil d’Administration (appelé ici « l’organigramme ») qu’il revient la responsabilité de donner l’accord final. Cette organisation démocratique garantit la transparence en permettant à la fois une grande proximité et une continuité dans les contacts avec les candidats, et à la fois une séparation très nette entre ceux et celles qui instruisent et ceux et celles qui décident. La responsabilité en la matière est grande : « il y a trop eu de magouilles dans le sport, on ne doit pas se tromper » affirme Alain Morinière. Le dispositif ainsi mis en place évite les dérives, ce qui ne doit pas empêcher de rester vigilant.

 

Et demain ?

Carisport a pris au cours des années une grande assurance et commence à brasser des sommes importantes. Son souci actuel est bien de maîtriser cette croissance. Mais la prudence n’exclut pas l’ambition. D’autant plus, que des trente associations bénéficiaires jusqu’à présent, la plupart sont issues de l’ouest de la France. Seules deux proviennent hors de ce secteur. Parions que la parution de ce reportage dans Lien Social provoquera des contacts bien plus nombreux et provenant de bien plus loin ! Pourquoi ne pas drainer encore plus d’argent pour pouvoir en faire bénéficier encore plus d’associations ? Cela passerait par l’acquisition d’un statut d’utilité publique permettant ainsi de recevoir des dons.

Les projets existent. Celui de faire venir le « variété club » (qui regroupe personnalités et anciens joueurs connus) pour un match exhibition est dans les cartons depuis plusieurs années. Passer de 12 à 16 équipes ou encore organiser d’autres manifestations dans d’autres sports font aussi partie des idées de l’association. Encore faut-il que l’engagement bénévole suive. Certes les familles candidates à l’hébergement des équipes ne manquent pas. Elles sont même contraintes de s’inscrire sur une liste d’attente. Les autres tâches plus astreignantes et moins valorisantes peuvent provoquer une certaine lassitude. Le formidable réseau qui s’est créé entre les 10 communes et leurs habitants a montré toute son efficacité, sans toutefois qu’on puisse mesurer ce qui est encore possible de faire.

Carisport se situe à un tournant.  Le dynamisme et l’enthousiasme de ses animateurs permettront sans nul doute de trouver les bonnes réponses à une entreprise qui mérite d’être encouragée. Saluons cette initiative généreuse qui a su engager dans un superbe élan de solidarité le pays des Mauges en réussissant à la fois à renforcer le lien social et à apporter des réponses concrètes aux difficultés des populations les plus en difficulté dans la pratique sportive.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°499 ■ 16/09/1999