Comédie musicale - Montoir de Bretagne (44)
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dans Articles IV
Montoir de Bretagne (44) - Une comédie musicale présentée par des habitants … pour des habitants !
(publié dans le Journal de l’animation n°29 – mai 2020)
Par quatre fois, en octobre 2019, la salle Belle Fontaine a fait le plein de ses 400 places pour le spectacle « Freak show », une comédie musicale mettant en scène les acteurs amateurs de la commune. Coup de projecteur sur cette belle aventure humaine.
Nous sommes fin juillet 2011. La troisième édition du camp « Académy show », programmée par l’Office socio-culturel de Montoir de Bretagne avec le metteur en scène Ricardo Guinée et une troupe d’artistes professionnels, vient de s’achever. Les jeunes qui y ont participé ont été, comme à chaque fois, très fiers de présenter à leur famille le petit spectacle monté à cette occasion. Il n’en fallait pas plus pour donner envie aux parents : « et pourquoi pas nous ? ». L’un des axes du projet social de l’OSCM insistant sur la mixité inter-âge, Erick Bouzidi, son Directeur, encourage aussitôt l’ambitieuse idée de Ricardo Guinée de monter une comédie musicale intégrant des adultes et des enfants. Les personnes qui se retrouvent le 11 septembre suivant, lors de la première réunion préparatoire, se montrent tout de suite enthousiastes. Pourtant, le chantier entrevu est d’ampleur. Car, il ne s’agit pas de se contenter de reprendre des livrets ou scénarios déjà existants, mais de tout créer : l’écriture du spectacle, la construction des décors, la conception des maquillages, la fabrication des costumes … et surtout de former des amateurs au chant, à la danse et à la comédie. Il faudra près de deux ans pour finaliser le premier spectacle intitulé « Le Casting ». Le 3 juillet 2013, quand la troupe monte sur la scène, le trac est palpable. Comment va réagir le public ? En fin de représentation, le doute n’est plus permis : les spectateurs ont été conquis. A l’heure du bilan, le constat est unanime : pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître ! Aucune hésitation à avoir : en route, pour la seconde saison.
Mode d’emploi
La troupe produit à nouveau un spectacle chaque fois original en octobre 2015, octobre 2017 et octobre 2019. Le rendez-vous est devenu incontournable. Mais comment tout cela a-t-il pu être possible ? En amont, ce sont Ricardo Guinée et Audrey Cerclé qui, en tant que scénaristes, imaginent le thème, conçoivent le scénario et choisissent les chansons. Dès la dernière représentation de la saison qui s’achève, ils commencent à réfléchir à la trame de la suivante. Un seul principe les guide : casser tout ce qui a été fait précédemment, innover, se renouveler. Pas question de réutiliser une ficelle qui a eu du succès précédemment. Tout au contraire, il s’agit chaque année de surprendre le public. Ainsi, se sont succédés des thématiques aussi variées qu’un West Side Story Montoirain opposant les jeunes aux plus âgés, une succession de tableaux comme autant de pages de livres que l’on tourne ou encore l’histoire d’un enfant voulant, contre l’avis de sa mère, entrer dans un cirque peuplé de monstres. Cette création est chronophage. Pour dégager le plus de temps possible à l’accompagnement artistique de la troupe, le choix a été fait de reprendre des chansons déjà existantes. Mais, rien n’est figé et si l’un des artistes en herbe souhaite un texte différent qui le rend plus à l’aise, sa suggestion peut être reprise. Quant à la partition du spectacle, elle est travaillée tout au long de l'année par des musiciens amateurs qui ont rejoint l'atelier dédié avec leur accordéon, leur trombone ou encore leur flute traversière. Ils sont accompagnés par des professionnels jouant avec des instruments de base (guitare, basse, batterie, piano).
Un travail de longue haleine
Tout au long des années, la troupe s’est stabilisée autour d’une quarantaine de participante(e)s. Aucune condition préalable n’est requise pour y entrer, autre que la résidence dans la commune. Il est encore moins question de sélection : seul compte l’engagement à donner le meilleur de soi-même et à en suivre avec assiduité les préparations. Il faut dire que l’investissement demandé est particulièrement intense, relevant d’un véritable Marathon. Sur une année (de septembre à septembre), un week-end mensuel est consacré aux répétitions, ainsi qu’une semaine entière aux vacances scolaires de la Toussaint, d’hiver et du printemps. A noël et en été, on fait quand même relâche ! Mais au total, il faut compter pas moins de deux cents heures dédiées à la comédie musicale. Que l’on se rassure, tout le monde n’est pas présent en même temps de 14h00 à 21h00 (horaires des préparations). Tout dépend des ateliers qui sont animés par cinq professionnels : Audrey Cerclé pour la chorégraphie, Amélie Roy-Gagnon pour le théâtre, Bruno Robert pour la musique, Marie Jolivel pour le maquillage, sans oublier Ricardo Guinée pour le chant. Dans les six semaines précédant la représentation, le nombre de répétitions se multiplie du vendredi soir au dimanche après-midi. C’est que toute la troupe a à cœur d’être fin prête, pour offrir au public le meilleur d’elle-même. La démarche amateure n’exclue pas l’exigence, bien au contraire. Béatrice, une des participantes, l’affirme sans ambages : « ce qu’on veut c’est présenter un spectacle qui a de la gueule ! »
Les raisons du succès
Avec une telle pression, on aurait pu s’attendre à des défections. Il n’en est rien. Seuls les déménagements hors de la commune ou les années du BAC pour les élèves de lycée contraignent à se retirer du projet. Comment expliquer cette assiduité ? La première raison est, sans doute, tout simplement le plaisir que chacun(e) peut y trouver. Bien sûr, après une année passée à fournir tant d’efforts, il y a de la fierté (et le stress) à se retrouver sur scène devant sa famille, ses amis, ses voisins. La motivation de la troupe tient pour beaucoup à cette volonté commune d’atteindre un même objectif : rendre les spectateurs heureux. Mais, du coup, cette quête renvoie autant de bonheur à celles et ceux qui veulent en donner. On peut aussi trouver une autre raison à cette fidélité : c’est cette socialisation qui vient renforcer le vivre ensemble. Rien ne pourrait se faire, s’il n’y avait pas cette cohérence structurant le groupe, cette entraide mutuelle qui le soude et cette dynamique qui renforce ses liens. « Auparavant, j’avais un caractère renfermé. Aujourd’hui, je vais bien facilement vers les autres » affirme Sonia qui participe à l’aventure avec sa fille. « Nous sommes tous solidaires, nous nous encourageons les uns, les autres, quand l’un d’entre nous est en difficultés » confie Robin jeune adulte d’une vingtaine d’années. Mais aussi Gwenaëlle : « j’ai gagné une plus grande confiance en moi. Jamais je ne me serai imaginée pouvoir faire cela ». Ou encore Amandine qui se confie volontiers « j’ai grandi avec la comédie musicale, gagnant en maturité année après année ». On ne peut mieux répondre à l’un des objectifs du projet social de l’OSCM qui souhaite « (imaginer) avec les habitants des formes d'expression valorisant leur savoir »
Renforcer des liens
Mais, cette action induit bien d’autres bénéfices. Elle permet à beaucoup d’habitants de sortir de leur isolement et de leur solitude : femmes seules, personnes âgées, famille n’ayant pas forcément une ouverture sur l’extérieur. C’est là l’occasion de rencontres entre des personnes qui dans la vie ordinaire, auraient eu toutes les chances de s’ignorer. « Ce que l’on constate, c’est que cette activité draine un public qui ne fréquentait pas forcément l’Office Socio-culturel auparavant » confirme Erick Bouzidi. Et puis, il y a l’opportunité de partager en famille une activité commune. Béatrice l’explique avec humour : ce sont d’abord ses deux filles qui ont participé au premier spectacle. Constatant leur épanouissement, elle s’est lancée à son tour l’année suivante. « Par la suite, mon mari a ressorti sa guitare qui dormait depuis des années dans un placard et est venu nous rejoindre ». Mais, si toute la famille prépare le même spectacle, ce n’est pas forcément pour se retrouver ensemble au même moment, chacun participant le plus souvent à des ateliers différents. Seul obstacle imposé à ce puissant effet fédérateur : le secret imposé sur le sujet du spectacle et ses répétitions. Lors de la préparation de la nouvelle saison, les parents peuvent assister à la première rencontre. Mais, si eux-mêmes n’y participent pas, ils doivent sortir quand les détails sont dévoilés. Et leurs enfants ont la consigne de ne rien leur révéler. Il leur faudra attendre les représentations pour le découvrir … ou rejoindre la troupe !
Et demain ?
Le rythme biennal retenu pour l’organisation de chacun des spectacles permet de souffler entre deux éditions. Même s’il n’est pas toujours facile de se détacher du rythme particulièrement intense suivi pendant douze mois, il est sain de faire une pause … afin de mieux repartir ensuite. Ce délai permet aussi de se faire désirer par un public de fidèles attendant avec impatience les prochaines représentations. Et puis, il y a toutes les démarches administratives pour obtenir le financement des 30.000 € du coût de l’opération. Il revient à Erick Bouzidi de convaincre tant le Conseil d’administration de l’OSCM (qui contribue au deux tiers) que la municipalité (pour le tiers) d’abonder le projet. Mais, ce délai est aussi incontournable à la phase de créativité, pour que Ricardo Guinée et Audrey Cerclé conçoivent le futur spectacle. N’y a-t-il pas un risque de se lasser et de lasser ? La question s’est posée en 2017, à l’issue de la troisième saison. La troupe s’est montrée tellement enthousiaste pour continuer que le quatrième opus a été lancé. Une cinquième semble en bonne voie. Prochain rendez-vous, en octobre 2022.
A voir sur internet les deux documentaires réalisés par Tesslye Lopez (les films Hector Nestor) :
https://vimeo.com/268041359 (édition 2017)
https://vimeo.com/374132088/ecda82a1dc (édition 2019)
Casser les préjugés générationnels
Aux trois-quarts féminins, la troupe d’artistes amateurs recrute à partir de 10 ans. Aucune limite d’âge n’est fixée pour les plus âgés. Sur les quarante-deux participants de la saison quatre, on comptait dix-neuf adolescent(e)s, neuf trentenaires, onze cinquantenaires et trois personnes de plus de 60 ans. Ainsi, de l’enfant au retraité, la rencontre intergénérationnelle est au cœur d’un projet où chacun se découvre et s’ouvre à l’autre, se croise et s’apprivoise.
Contacts
Office Socio-Culturel Montoirin10 Avenue de l'Île de France 44550 Montoir de Bretagne.
Tél. : 02 40 88 58 76 - Courriel : direction@oscm.fr Site : https://www.oscm.fr
Ricardo Guinée : 40 97 30 20 - Courriel : zik.asso@yahoo.fr - Site : http://ricardo-zik.com