La rencontre de l’adolescent avec le cannabis

Un entretien avec Michèle BENHAÏM, psychologue et psychanalyste

DVD Collection Parole donnée, www.anthea.fr

L’usage du cannabis est entré dans une phase de consommation de masse, un adolescent sur deux reconnaissant en avoir déjà fumé. Rien d’étonnant à cela, tant cette substance (comme d’autres peuvent aussi permettre de le faire) vient combler potentiellement la fragilisation des assises narcissiques propre à cet âge de la vie, jouant un rôle d’anxiolytique ou d’antidépresseur en aidant à quitter l’enfance et à combler un vide ou à apaiser un malaise. La rencontre avec ce produit n’est donc jamais innocente, d’autant qu’il est bien plus dosé en effets actifs (le THC) qu’il y a vingt ans. Pour autant, ce qui compte avant tout, c’est d’identifier l’usage qui en est fait et ce que cela vient dire : recherche ponctuelle d’ivresse et de désinhibition ou processus toxicomaniaque, rite initiatique ou consommation révélatrice d’une psychopathologie... Le basculement vers une drogue plus dure n’a rien d’automatique. Il révèle surtout l’existence d’une fragilité initiale. Une situation de consommation doit être analysée en prenant en compte le contexte : l’adolescent prend-il se produit seul dans son coin ou avec ses amis, avant d’aller à l’école ou dans les moments de fête, en étant équilibré ou dans une période de déprime ? Ce sont ces circonstances qui peuvent permettre de mesurer les risques ou non de conséquences graves. Dans tous les cas, il convient d’éviter deux extrêmes : la banalisation et la dramatisation. Après tout, cette prise de produit peut constituer une chance, dès lors qu’elle permet d’entrer en relation avec le jeune et ainsi de l’aider à dénouer les enjeux induits. Voilà un propos intelligent à (faire) écouter et réécouter, face aux orientations répressives de nos autorités qui se focalisent sur un produit, en confondant la jeunesse avec le symptôme qu’une partie d’entre elle laisse apparaître.
 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°984 ■ 09/09/2010