Quand l’espoir chasse la désespérance
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dans Billets d'humeur
A l’heure où un effroyable carnage répond à un ignoble pogrome, quel avenir pour les deux peuples qui en sont victimes ?
Il faut d’abord s’autoriser à rêver. En regardant ce reportage sur Neve Shalom, village binational en avance sur son temps qui fait grandir les enfants israéliens et palestiniens, les uns et les autres partageant leur scolarité, leurs jeux, leurs fêtes religieuses. La fraternité au nez et à la barbe des intégristes et criminels de guerre de tous poils, que ce soit l’extrême droite raciste et fascisante du gouvernement d’Israël ou les intégristes terroristes, défenseurs de la théocratie islamiste du Hamas : Neve Shalom, le village de la paix - YouTube
Mais, tant de plaies béantes ouvertes pourront-elles se refermer un jour ?
Kanaky, Palestine, Ukraine : trois espaces géographiques qui n’ont, de près ou de loin, rien à voir entre eux. Leur seul point commun ? Le fait colonial.
Le territoire de ce qui se nomme aujourd’hui Kanaky est la dernière conquête que fit l’empire colonial français en 1853. Un État distant de plus de 16 000 kilomètres asservit un peuple présent sur place depuis plus de 8 000 ans. Notre gouvernement viennent de tenter une basse manœuvre pour tenter d’inverser le processus de décolonisation, provoquant les pires émeutes depuis trente ans.
Le territoire qui se nomme aujourd’hui Palestine n’a cessé d’être grignoté, depuis 1948, par un État s’arrogeant le droit de s’implanter sur des terres ne lui appartenant pas, en expulsant les habitants vivant sur place et en s’étendant d’année en année. Le massacre du 7 octobre a déclenché l’un des pires répressions coloniales de l’histoire.
Le territoire qui se nomme aujourd’hui Ukraine est agressé par une Russie assoiffée par une seule et même ambition : (re)constituer son espace vital, en annexant certaines régions d’une nation voisine et transformer le reste en État satellite. La guerre d’anéantissement ne cesse depuis plus de deux ans.
Des flots de haine nourrissent les relations entre les peuples kanak et caldoche, les peuples palestinien et israélien, les peuples ukrainien et russe. On se prend à penser qu’il faudra de nombreuses générations, avant que leurs antagonismes ne s’assagissent et qu’un semblant de bienveillance réciproque ne s’instaure.
L’histoire nous apporte un démenti.
Irlande du Nord : entre 1968 et la fin du XXème siècle, un sanglant conflit oppose les populations catholiques et protestantes. Depuis plus de 20 ans, la paix civile est revenue, les deux communautés se partageant le pouvoir politique. Qui aurait parié sur un tel retournement ?
Afrique du sud : entre 1948 et 1991, un régime d’apartheid soumet les 87 % de noirs, d’indiens et de métis à la tyrannie de 13 % de blancs. Un mouvement de libération armé est violemment réprimé. La transition se fera pourtant sans violence. Qui aurait pensé à un changement aussi pacifique ?
France : en 1870, le pays est amputé de l’Alsace et la Lorraine, annexées par son voisin germanique. L’esprit de revanche ne cessera d’être agité, jusqu’en 1918, l’occupation nazie entre 1940 et 1944 décuplant encore la haine du « Boch ». Il ne faudra pas beaucoup de temps pour que Brassens puisse chanter en s’adressant à ses deux oncles amis respectivement des Tommys anglais et des Teutons allemands « vos fils et vos filles vont la main dans la main/Faire l’amour ensemble et l’Europe de demain ». Qui eût cru à une telle métamorphose ?
Combien de temps faudra-t-il avant que les plaies ne se cicatrisent et que les ennemis mortels, prêts à s’entretuer au premier regard de travers, ne se transforment en voisins placides (Irlande), respectueux les uns des autres (Afrique du sud), voire partageant la même fraternité (français et allemands) ? Personne, bien sûr, ne peut répondre à cette question. En attendant, que de morts, que de souffrance, que de malheur. Quand la paix reviendra enfin entre des parties réputées inconciliables, il sera alors possible de s’écrier : « tout ça (des années de guerre) pour ça (le retour à la paix) » !