Un été avec le GCU (1)

Coup de projecteur, tout cet été, sur un petit bijou de l’économie sociale et solidaire ! Le Groupement des Campeurs Universitaires, créé en 1936 par des instituteurs dans la foulée des premiers congés payés, est ouvert depuis quelques années à tout adhérant qui accepte ses valeurs, mais aussi son principe central : l’autogestion.

Chaque été, c’est près de 50 000 campeurs qui fréquentent ses plus de 90 terrains. Dans leur quasi-totalité ce ne sont pas des salariés, mais les vacanciers qui en assurent la gestion quotidienne. Avec une ancienneté de plus de 60 ans dans cette association, il était temps que je fasse écho sur ce site des chroniques que je publie dans sa revue « Plein air et culture » depuis dix ans.

 

Aujourd’hui : « Résistance »

Les statistiques sont formelles : avec 7.432 terrains offrant aux six millions de campeurs français et deux millions en provenance de l’étranger 860.000 emplacements, le parc français de ce que l’euphémisation envahissante de notre société désigne dorénavant comme l’« hôtellerie de plein air » est le premier d’Europe et le second au monde derrière les USA.

S’il est bien un mouvement qui semble inexorable, c’est le taux d’équipement de ces campings dotés de 3, 4 et 5 étoiles dont le nombre croit chaque année, constituant dorénavant 68 % de l’ensemble des terrains. Depuis 2010, 10% des emplacements dits « nus » ont disparu au profit d’emplacements équipés qui représentent aujourd’hui 30 % de la capacité totale d’accueil, les nuitées dans ce type d’équipement étant passées, dans le même temps, de 30 à 42 %. Résidences mobiles, tentes aménagées, chalets, roulottes, bungalows climatisés sont installés en lieu place des espaces dédiés aux caravanes et aux tentes qui se voient réservées une portion de plus en plus congrue sur les terrains.

Les vacances en plein air se conçoivent de moins en moins sans ces spectacles, ces animations, ces restaurants, ces supérettes, ces boites de nuit, ces clubs pour enfants situés au cœur même des terrains, sans oublier les mini-parcs de loisirs ou aquatiques avec spas, bains bouillonnants et autres toboggans qui équipent, année en année, les terrains privés.

Face à cette fabuleuse offre de confort, de loisirs et d’équipements, bien des questions se posent pour le GCU : où y trouve-t-on les attractions qui font l’attrait de tant d’autres campings ? Que font ces quelques unités de résidences mobiles et de bungalows toilés perdues au milieu des terrains ? Comment comprendre la faible proportion de piscines ? Que penser de la pauvreté d’installations de loisirs se limitant à une table de tennis de table et un bloc de jeux pour enfants par terrain ? En un mot, comme en cent : qu’attend le GCU pour se mettre au goût du jour, au risque de voir ses adhérents déserter vers des cieux plus attractifs ?

Ce qui pourrait apparaître au premier abord comme un handicap pourrait bien se transformer, au fil du temps, en avantage pour le présent et en atout pour l’avenir. Car, à sillonner ces terrains où les résidences mobiles sont disposées en rang d’oignon bien serrés, à parcourir ces campings qui se transforment, petit à petit, en supermarchés de l’offre de loisirs et d’animation, à traverser ces hôtelleries de plein air emplis du bruit et de la fureur d’une foule en quête d’agitation permanente, on en vient à reconsidérer l’attrait du calme et de l’apaisement de ces espaces dédiés au contact avec la nature, à un mode de vie emprunt d’une certaine rusticité, aux relations humaines fondées sur des plaisirs basiques.

Il ne s’agit pas de tomber dans une dérive sectaire qui opposerait la pureté des origines du camping au dévoiement par trop moderne de sa version contemporaine. Il est tout aussi légitime d’aspirer au confort, à la sophistication des loisirs et aux aménagements très élaborés, que de revendiquer la frugalité d’un cadre de vie, la sobriété des équipements et la modération des activités proposées. Mais, pour que chaque famille puisse trouver ce qui lui convient le mieux, il est essentiel de maintenir et de préserver la diversité du choix.

Et, de ce point de vue, le GCU n’a pas à rougir de la philosophie qu’il déploie depuis quatre vingt ans. S’il est compréhensible que l’on soit attiré par des terrains privés infiniment plus attractifs par certains côtés, on peut aussi s’en lasser rapidement. Il se pourrait alors que l’on assiste à un retour vers le futur que notre association symbolise, sur un registre alternatif.