Un été avec le GCU (6)

Aujourd’hui : « Variations sonores »

Coup de projecteur, tout cet été, sur un petit bijou de l’économie sociale et solidaire ! Le Groupement des campeurs universitaires, créé en 1936 par des instituteurs dans la foulée des premiers congés payés, est ouvert depuis quelques années à tout adhérant qui accepte ses valeurs, mais aussi son principe central : l’autogestion.

Chaque été, c’est près de 50 000 campeurs qui fréquentent ses plus de 90 terrains. Dans leur quasi-totalité ce ne sont pas des salariés, mais les vacanciers qui en assurent la gestion quotidienne. Avec une ancienneté de plus de 60 ans dans cette association, il était temps que je fasse écho sur ce site des chroniques que je publie dans sa revue « Plein air et culture » depuis dix ans.

Pour un certain nombre de nos adhérents, camper répond à une quête de calme et de sérénité qu’est réputée apporter la vie en plein air. Et la philosophie du GCU se prête tout à fait à cette immersion dans une nature dont la proximité et l’authenticité constituent des valeurs cardinales. Pour autant, fuir l’ambiance stressante et la rumeur obsédante du milieu urbain ne signifie pas, loin de là, de se retrouver dans le silence. Mais, les sonorités qui nous cernent alors nous confrontent parfois à un tel dépaysement et à une telle régénération, qu’on ne les remarque pas toujours. L’occasion ici de tenter de nous les remettre en mémoire. Trouver une place à l’ombre à Saint Saturnin lès Apt est une préoccupation majeure, quand la température locale a bien du mal à descendre en dessous des 30°. Mais, le CU n’est pas le seul à lorgner le couvert des arbres. Les cigales y prennent tout autant leur quartier d’été. Et leurs stridulations peuvent parfois atteindre les 150 décibels (le marteau piqueur distant de deux mètres n’en fait que 100 !). Nul rappel au règlement, en assemblée des campeurs, ne viendra les impressionner. Les vaporiser, quand on les cherche et que l’on réussit à les trouver, à coup de brumisateur ne les fera taire qu’un instant. Mais, après tout, on est sur leur territoire ! Les orages ne sont pas non plus très discrets. Le fracas du roulement du tonnerre déchirant le silence est toujours aussi impressionnant. Le terrain de Loubeyrat est réputé pour la violence de ceux qui y sévissent. Les parasurtenseurs qui équipent la boite à fusible en sont la preuve. Il tourne parfois, cet orage, raisonnant dans les vallées voisines, se rapprochant, puis s’éloignant : « ce ne sera pas pour cette fois-ci » se rassure-t-on à bon compte. Eh bien si ! Le voilà qui déclenche un véritable déluge, les trombes de pluie qui s’abattent alors sur les installations faisant résonner un concert de crépitements digne des Tambours du Bronx ! Se sentir bien à l’abri, quand tombe la pluie procure un sentiment de sécurité … jusqu’à ce qu’au petit matin, on se réveille au bruit d’un léger glougloutement. Ce n’est que le ruissellement sous l’auvent d’une eau courante où flotte tout ce qui n’a pas été surélevé, la veille. Mauvaise pioche pour cette parcelle mal choisie à Bormes les Mimosas. Tout autre est le tumulte du sac et du ressac, quand la mer éclabousse le rivage de ses vagues, au gré des marées. On le perçoit d’autant plus que l’on a planté son installation au plus près de la dune de La Tranche. Mais, l’intensité change de registre, quand la tempête se lève. C’est un fracas qui tétanise alors, incitant à fixer d’un regard inquiet la fragile épaisseur du mur de troncs de bois séparant le terrain de la furie des flots. Le même contraste peut surprendre quand on se confronte à cet autre élément qu’est le vent. Langoureusement allongé dans sa chaise longue à Vic-sur-Cère, on suit son murmure dans le feuillage qui progresse d’arbre en arbre, inclinant successivement la ramure, comme une vague qui se déplace. Le bruissement parvient à votre ouïe, avant que le souffle ne vienne caresser votre visage. Mais nulle part ailleurs que sur le terrain de Gruissan, le Dieu Éole n’est aussi puissant : il ronfle, il siffle, il mugit en passant à travers des buissons qui tournoient comme secoués par une main énergique. Quittons l’univers végétal pour revenir au règne animal. Y aurait-il un élevage de canards, aux abords du camping de Saint Rémy de Provence ? Le candide qui l’a cru a bien fait rire les habitués. Ce ne sont que des crapauds qui coassent en coeur, dès la tombée de la nuit. Et les frôlements de ce buisson qui s’agite en pleine nuit, comme animé de petits cris à Jard sur Mer ? C’est un hérisson tentant de se faufiler dans une obscurité qu’il pense protectrice, se figeant sur place quand la lampe torche l’éclaire, ses yeux rougissant dans le rai de lumière. La nuit tire à sa fin. Au petit matin, dans tant de nos terrains boisés, le chant harmonieux des pinsons, des mésanges couverts par les « skrrèèik », cris rauques et perçants des Geais vient saluer l’aurore, précédé par le roucoulement bien trop matutinal des pigeons, prenant eux-mêmes le relais des hululements nocturnes des grands ducs. Une question me taraude : que sont devenus les coqs du terrain d’Albussière ? Six d’entre eux étaient passés à la casserole, cette année-là. La ferme voisine en avait laissé survivre trois qui décuplaient leur ardeur, à l’aube, pour venger leurs malheureux compagnons. Si l’on s’interrogeait sur l’heure qu’il pouvait être, on n’avait plus aucun doute, après leur entrée en action ! Un peu partout, la cloche du village le plus proche scande le temps qui passe, incitant les insomniaques à compter un à un les coups qui s’égrènent, comme autant d’heures sans sommeil. Certes, à tous ces échos, se rajoutent les rumeurs de la vie collective : les cris des enfants, les pleurs des bébés, le cliquetis de la vaisselle, les bribes de conversation, les rires et les éclats de voix échappés des tablées familiales ou d’amis, l’entrechoquement des boules de pétanque, les exclamations de plaisir ou de frustration etc … Mais, toutes ces manifestations s’éteignent à 23h00, par respect pour le repos d’autrui, illustration de la vigueur d’un esprit associatif qu’on soupçonne trop souvent d’être en déréliction. Cette ambiance sonore, on ne prend pas toujours le temps de l’écouter. Un moment de vacances peut apporter cette opportunité de tendre l’oreille, pour les percevoir. Avec, toutefois, cette vibration régulière et persistance qui s’invite la nuit, venant gâcher ce récit se voulant pourtant si bucolique : ce sont mes ronflements nocturnes dont aucun de mes voisins ne s’est, par pur charité, jamais plaint, mais dont ma compagne réussit à se protéger grâce à sa réserve de boules « Quies ».