Un été avec le GCU (4)

Aujourd’hui : «  Portrait de famille «

Coup de projecteur, tout cet été, sur un petit bijou de l’économie sociale et solidaire ! Le Groupement des campeurs universitaires, créé en 1936 par des instituteurs dans la foulée des premiers congés payés, est ouvert depuis quelques années à tout adhérant qui accepte ses valeurs, mais aussi son principe central : l’autogestion.

Chaque été, c’est près de 50 000 campeurs qui fréquentent ses plus de 90 terrains. Dans leur quasi-totalité ce ne sont pas des salariés, mais les vacanciers qui en assurent la gestion quotidienne. Avec une ancienneté de plus de 60 ans dans cette association, il était temps que je fasse écho sur ce site des chroniques que je publie dans sa revue « Plein air et culture » depuis dix ans.

Les terrains du GCU regorgent de ces personnalités fortes ou discrètes que chacun trouvera, selon son propre caractère, attachantes ou irritantes, envahissantes ou effacées, dynamiques ou passives, exubérantes ou réservées. Passons-en quelques-unes, en revue.

Il y a d’abord ce campeur toujours prêt à rendre service : déboucher un W.C., aider à monter un auvent, participer à une tâche collective … il est toujours là pour donner un coup de main. Ce qui le met en rage ? Ce satané moover permettant par une simple impulsion sur sa télécommande, de trouver la position idoine pour sa caravane qui se déplace certes toute seule, mais qui du coup met au chômage une demi-douzaine de bras et contraint à une observation passive et frustrante.

Il y a ensuite l’homoaperitivus, toujours le verre et la chaise pliante à portée de main, confronté à une difficile programmation des apéritifs à caser, tant les midis et les soirs à venir sont déjà réservés. Son rabat joie ? Celui qui lui répond gentiment qu’il ne se rend jamais à ce type d’invitation.

Puis, vient le camping-cariste se déplaçant au volant d’un engin de douze mètres cinquante-trois, avec tout le confort à l’intérieur (four, télévision grand écran, douche …). Ce qui lui gâche son séjour ? De ne pouvoir trouver une place suffisamment grande pour caser son véhicule.

A l’opposé, il y a cette famille pratiquant le camping itinérant en vélo, avec ses deux enfants, chacun des parents traînant une petite remorque où est empilé le strict nécessaire pour trois semaines. Sa hantise ? Ne pas réussir à faire sécher son linge qu’elle s’est précipitée à laver, à son arrivée, avant de repartir le lendemain matin.

On ne saurait oublier l’inévitable râleur : tout est bon pour se plaindre et constater que décidément les valeurs du GCU ne sont plus ce qu’elles étaient. Il adore intervenir dans les assemblées de camp pour dénoncer le bruit que font les jeunes qui rentrent la nuit, les papiers jetés au sol, l’état de propreté des blocs. Son inquiétude ? Ne rien avoir à critiquer. Mais son sens acéré de la polémique le met à l’abri d’un tel risque.

Vient encore le champion de l’humour, de la vanne et du bon mot. Un éclat de rire qui surgit d’un groupe de campeurs, l’hilarité déclenchée au moment des vaisselles, la répartie qui fait se bidonner l’assemblée ? Il est passé par là, on peut le suivre à la trace, il a encore sévi ! Son ennemi ? Le coincé qui prend tout au sérieux et ne comprend pas la plaisanterie.

Et puis, il y a le gardien du règlement : il connaît les contraintes et obligations du GCU par cœur et les applique à la lettre, remettant à leur place ceux qui s’en écartent, ne comprenant que l’on puisse vivre à la marge d’une règle commune garante du bon fonctionnement du groupement. Son cauchemar ? Celui qui vit ses vacances en dilettantes, à la bonne franquette, s’adaptant aux circonstances.

Le voilà donc, ce campeur qui prend ses aises, débordant ses affaires sur la parcelle voisine, oubliant de sortir son linge de la machine à laver à la fin de l’heure impartie, ne s’imposant pas le silence absolu après 23h00. Ce n’est pas la bonne volonté qui lui manque, c’est la rigueur qui est aux abonnés absents. Son persécuteur ? Le campeur psycho rigide qui le guette, le toise, le stigmatise, ne tolérant aucune dérive aussi infime soit-elle.

Le bon vivant est aussi l’une des figures de nos adhérents. Il met un temps fou à aller et revenir du bloc : à chaque pas, il s’arrête pour saluer celui qu’il croise, discuter de la pluie et du beau temps, partager un moment fugace mais essentiel à ses yeux, car convivial. Son contraire ? C’est le taiseux, le renfermé, l’introverti. Celui-là ne se fait guère remarquer. Ses vacances, il veut les passer discrètement, sans s’afficher, ni se lier plus que cela avec ses voisins. Il apprécie de vivre aux côtés des autres, mais chacun chez soi. Sa peur ? Se faire envahir, voir son territoire empiété, être importuné.

Et puis, il y a le sportif qui s’adonne à la pétanque jusqu’à la tombée de la nuit, utilisant force lumière artificielle pour finir sa partie ou celui qui se lance dans des matchs spectaculaires sur le terrain de volley, l’un et l’autre attirant des spectateurs admirant leur dextérité et leurs exploits. Leur crainte ? La pluie d’orage qui vient gâcher le plaisir, contraignant à se mettre à l’abri … ou à continuer en Kway !

Faisons encore une place au « tête en l’air » qui oublie son liquide vaisselle au bloc, perd la clé de sa caravane ou rentre de la plage, en y ayant oublié ses affaires. Son inquiétude ? Ne pas arriver à retrouver ce qu’il a égaré.

Notre tableau ne serait pas complet s’il ne décrivait pas le sans-gêne qui, après son passage, ne tire pas la chasse d’eau des toilettes, laisse le lavabo plein de cheveux ou l’évier à vaisselle plein de mousse. Le fait-il par manque de respect envers autrui ou n’agit-il pas finalement en camping, comme il le fait chez lui ? Son censeur, c’est le regard sévère des autres campeurs qui osent lui faire une remarque ou s’ils ne lui disent rien, n’en pensent pas moins.

J’en oublie certainement bien d’autres. Comme, par exemple, l’auteur de ces lignes qui ferait sans doute mieux de s’occuper de ses affaires, plutôt que de croquer ainsi ses contemporains qui ne lui ont rien demandé ! Toujours est-il que tous ces tempéraments cohabitent le temps de quelques jours ou semaines de vacances. Parfois, ils s’articulent. D’autres fois, ils se confrontent. Mais, ils vivent ensemble et doivent se découvrir réciproquement pour mieux se supporter, se tolérer et s’accepter. C’est bien là la magie du camping en général et du GCU en particulier.