Pause bienvenue dans l’ASE-bashing

Qui a dit que cette rubrique était condamnée à s’enfermer dans la seule déploration ? Une fois n’est pas coutume, elle ne va pas tarir d’éloges sur deux documentaires exceptionnels, diffusés par France Télévision. Ils présentent l’action quotidienne de services de protection de l’enfance, sans voyeurisme ni démagogie, sans recherche de l’exceptionnel ni hors-norme, sans scandalisation ni héroïsation. Juste un travail décrit tant dans sa banalité que dans l’intensité de sa profonde humanité. Comme quoi le vaccin anti ASE-bashing existe : je l’ai testé !

 

Du côté des toute petits …

Le premier de ces petits bijoux, « La pouponnière », a été réalisé par Julie Lerat-Gersant. La réalisatrice a fait le choix heureux de présenter, sans aucun commentaire extérieur, la vie d’un établissement flambant neuf de la Maison départementale de l’enfance et de la famille du Calvados, inauguré en juin 2022 et accueillant à Fleury-sur-Orne, près de Caen, 38 enfants âgés de 0 à 6 ans confiés temporairement. C’est un véritable kaléidoscope qui défile, faisant se succéder l’essentiel des moments qui animent ses journées : la préparation attentive et respectueuse tant du premier accueil que du départ, en fin de prise en charge, le coucher et le réveil, les repas, les jeux et les histoires contées, les câlins, le temps du bain, les retours de l’école, les contraintes de la vie collective et les échanges individualisés, les visites protégées avec les parents, les réunions d’équipe, etc... Ce qui traverse ces 52 minutes, ce sont autant la volonté de sécuriser ces petits que de les écouter, de prendre en compte leurs angoisses que de les préparer à ce qui les attend, de répondre à leurs questions que de leur parler de leur histoire. Respect sans jugement, bienveillance, attachement affectif sont les maîtres-mots d’une pratique professionnelle que les familiers de la protection de l’enfance reconnaitront et que les candides découvriront, les uns et les autres pouvant suivre avec bonheur ce bel hommage.

https://www.youtube.com/watch?v=pxOSLmtb-fY

 

… jusqu’aux plus grandes

Seconde pépite, Comme si j’étais morte, un documentaire de Benjamin Montel & Antonin Boutinard Rouelle qui aborde un sujet potentiellement bien plus polémique : la prostitution des jeunes filles en général placées dans les foyers de l’Aide sociale à l’enfance. On est loin ici de la facilité des condamnations et autres stigmatisations du style « mais ,que fait l’ASE ? ». Les mécanismes de l’engrenage infernal conduisant et enfermant ses victimes dans ce terrifiant esclavage sexuel y sont déconstruits à travers les témoignages de Lucie, Eva et Chloë l’ayant subi et des professionnels se battant pour y mettre fin. D’une manière particulièrement sensible et intense, l’accompagnement éducatif est décrit dans toute sa complexité, sa diversité et ses aléas. L’alliance entre l’équipe éducative et les parents apparait plus que jamais comme une ressource incontournable pour contrer l’angoisse de l’échec et de l’impuissance, de l’isolement et de la solitude face à une emprise criminelle qui semble ne jamais pouvoir cesser. Seules la patience et la ténacité, la continuité et la constance, la persévérance et l’inconditionnalité peuvent contrer les proxénètes et offrir à leurs proies une porte de sortie. Bel exercice cinématographique que de réussir à saisir les moments clés d’un tournage de plusieurs mois dans un foyer de la protection de l’enfance.

Et belle présentation du délicat travail de dentelle mené au quotidien par des professionnels devant faire face au découragement et à la lassitude de ne jamais réussir à y arriver.

Comme si j'étais morte - Le documentaire - Documentaire en replay (france.tv)