Quand ce drôle de paroissien se transforme en criminel

L’abbé Pierre n’était donc pas ce fervent défenseur de la veuve et de l’orphelin, mais aussi un prédateur sexuel qui sautait sur tout ce qui bouge, du moment que ses proies étaient féminines. Et cela durait depuis le début des années 1950, sans que ni la hiérarchie catholique, ni les associations qu’il parrainait ne fassent cesser la malfaisance de ce grand pervers.

Il faut tout d’abord rendre hommage à Emmaüs international, à Emmaüs France et à la Fondation Abbé Pierre d’avoir eu l’honnêteté et le courage de demander une enquête, d’abord interne au cabinet expert de violence Egaé, avant de rendre public son rapport le 17 juillet dernier. Le réflexe de l’invisibilisation et du déni serait-il en train de se dissoudre ?

Il faut ensuite constater combien l’institution catholique s’enfonce toujours un peu plus dans le soupçon d’avoir, pendant des années, hébergé, protégé et banalisé en son sein les pires agressions sexuelles. Méfions-nous toutefois de trop ricaner. Que s’est-il passé pendant cette même période dans les internats laïcs de la protection de l’enfance ou du médico-social ? Serions-nous à ce point naïfs au point de croire que notre secteur en aurait été protégé ? Les réactions des directions ont-elles toujours été à la hauteur ? De terribles révélations pourraient bien venir salir, à son tour, la réputation de notre secteur, même si de telles agressions s’avèreraient limitées.

Constatons, enfin, que le déboulonnage des statues et le décrochage des plaques de rue, le changement des intitulés des associations et la disparition des fresques et des peintures en l’honneur de ce triste sire, vont bon train. Et ce, à l’initiative de ses anciens admirateurs. « La République n'effacera aucune trace ni aucun nom de son Histoire » affirmait Emmanuel Macron en 2021. Manifestement, certains « héros » de notre nation (ou du moins considérés comme tels) furent en réalité des figures esclavagistes et/ou colonialistes, responsables de centaines de milliers de vies massacrées. Le socle de leur statue baigne dans le sang. Mais jusqu’où peut aller un tel mouvement mémoriel ? A bien y regarder de plus près, il n’y aurait guère de personnalités pouvant survivre à un examen de l’histoire au regard des conceptions contemporaines. De tout cela, les militants associatifs longtemps proches de l’Abbé Pierre n’en ont cure. Et c’est tout à leur honneur de rejeter leur figure tutélaire, au nom des dizaines de victimes laissées derrière cet homme de Dieu.