Quelle place pour les parents en protection de l’enfance ?

La perception des parents, longtemps considérés comme toxiques par essence, a évolué dans le temps. Et c’est un grand progrès. Ils sont bien plus perçus, aujourd’hui, comme des partenaires potentiels. Quand je dis « potentiels », c’est pour préciser que la conviction selon laquelle « hors de la famille, il n’est point de salut » peut s’avérer tout aussi néfaste que la diabolisation précédente qui les clouait au pilori, les considérant, mécaniquement, comme nuisibles à leur enfant.

Les professionnels doivent se distancier de toute prophétie auto-réalisatrices.

Celle, d’abord, prédisant un inévitable échec des parents. Ce qui conduit à n’identifier chez eux que les postures, paroles, réponses venant confirmer cette conviction.

Mais tout autant, celle qui leur attribue des compétences inconditionnelles, comme s’ils ne pouvaient qu’en être dotés naturellement. Ce qui conduira à ignorer les signaux d’alerte de danger pour leur enfant. Il est tout à fait légitime de ne pas pouvoir assurer la fonction parentale. Et ce, pour des raisons parfaitement explicables, liées au passé douloureux et au présent compliqué de l’adulte concerné. Lui reconnaître cette impossibilité, c’est aussi faire preuve de respect et de considération.

Toute la question est bien de ne pas passer à côté d’une évaluation dont l’impact peut s’avérer délétère.

Ma ligne de conduite ne fut jamais de privilégier le maintien en famille, pas plus d’ailleurs que d’encourager une séparation. Il s’agissait de faire avec les parents quand c’était possible, de faire sans eux quand ils étaient sur un versant abandonnique, contre eux quand ils se montraient dangereux. Je dois dire que si j’ai rarement rencontré cette dernière catégorie, je ne rejetais pas cette hypothèse par principe.

Si la relation de l’enfant avec ses parents constitue un atout essentiel dans la construction de sa vie, elle peut s’avérer potentiellement destructrice. Le tenir éloigné de sa famille et disposer autour de lui des facteurs de résilience sur lesquels il va aussi pouvoir s’appuyer peut s’avérer salvateur : ce peut être toute personne issue de la famille élargie ou appartenant à un lieu de placement.

Sur les différentes figures possibles, j’en retiendrais trois.

La substitution tout d’abord : quand les parents disparaissent, de fait, de la vie de l’enfant, il faut bien combler le vide.

La suppléance, ensuite : quand ses parents rencontrent trop de difficultés pour faire face à son éducation et que d’autres prennent le relais, partiellement ou totalement. La co-éducation, enfin : une collaboration entre les différentes instances présentes à ses côtés. Ces trois modèles peuvent se succéder, s’articuler, se combiner.

Rien n’est pire, pour l’enfant, de lui faire croire que ses parents sont ou seront en capacité d’exercer leur rôle, si ce ne s’avèrera manifestement pas possible, mais tout autant inversement de le priver de leur proximité en négligeant tout ce qui peut cultiver leurs compétences. D’où une posture sur un chemin de crête entre en faire trop ou pas assez d’un côté comme de l’autre.