Cette prévention mal-aimée

Répression, retour à l’autorité, sanction … reviennent comme un leitmotiv comme seules solutions efficaces face aux défis lancés par une jeunesse censée être en perdition.

Victime de ce discours réactionnaire, la prévention a toujours été le parent pauvre des politiques publiques. Sans doute parce qu’il est plus visible d’intervenir une fois le mal identifié pour tenter de le combattre. Et que les résultats immédiats sont plus vendeurs politiquement. La traque de terroristes venant de commettre un attentat est plus spectaculaire que le démantèlement de complots avant qu’ils ne se concrétisent. Quel responsable aura le courage d’investir dans des actions, en sachant que ce seront ses successeurs qui en bénéficieront, quelques décennies, plus tard ?

Il vaut mieux annoncer la construction de plusieurs milliers de places supplémentaires de prison, que de multiplier les équipes de prévention spécialisées qui agissent à bas bruit, sur la durée, pour accompagner les jeunes des quartiers les plus stigmatisés. C’est vrai que les résultats ne sont pas toujours spectaculaires. Il faut du temps pour réaliser une immersion réussie et se fondre dans le paysage, afin d’apparaître comme des alternatives crédibles à la délinquance.

Mais, cette prévention va bien au-delà. Les mesures d’aide éducative à domicile, qu’elles soient administratives (AED) ou judiciaires (AEMO) en font partie, elles qui agissent au cœur même des familles, soutenant des parents parfois dépassés et accompagnant des jeunes en pleine dérive ou sur le point de s’engager sur des mauvais chemins.

Et puis, il y a ces clubs de jeunes où des animateurs accueillent dans des espaces ouverts des adolescent(e)s qui s’y retrouvent autour d’activités ou du simple plaisir d’être ensemble et de dialoguer avec des adultes disponibles.

On ne saurait oublier les collèges et les lycées qui prennent en charge des élèves bien au-delà de la simple dimension de l’instruction et du savoir, faisant vivre des ateliers musique, théâtre, artistiques.

Parlons aussi des clubs sportifs, des centres socio-culturels…

Tous ces acteurs jouent un rôle essentiel comme interlocuteurs fiables et structurants pour les plus jeunes, en dehors de leur famille. Ce sont pourtant leur action qui est le plus menacée, dès lors où la recherche d’économies devient une priorité. Les gains budgétaires réalisés par la société, dans l’immédiat, pourraient bien s’avérer bien plus couteux par la suite. Economiser sur les crédits allant aux équipes de prévention (dont le nombre se réduit d’année en année), sur les mesures d’aides éducatives à domicile (qui comptent parfois des centaines de demandes en liste d’attente), sur la santé scolaire (aux effectifs de plus en plus erratiques), sur les dotations aux clubs sportifs (parfois étranglés financièrement), sur le fonctionnement des clubs de jeunes (dont le périmètre d’action se restreint) … constitue un très mauvais pari qui sera payé au centuple. Mais, après tout, il sera toujours possible de trouver ensuite des crédits pour construire de nouvelles places d’incarcération.