Est-on condamnable, parce qu’on est un homme ?
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dans Billets d'humeur
Le procès des viols de Mazan est présenté comme historique et exemplaire à plus d’un titre. Les 51 prévenus ont été filmés (là où le plus souvent l’agression se déroule dans l’intimité de la victime). Les débats ne seront pas déroulés à huis clos (là où la partie civile est souvent amenée à renoncer à la publicité des débats, car trop souvent écrasée sous une honte qui ne devrait pourtant pas lui appartenir). La culture du viol y aura été établie et dénoncée ouvertement (là où, trop souvent, elle est légitimée par la culpabilisation de celle qui a été agressée).
Pourtant, certains commentateurs n’hésitent pas à essentialiser la problématique en cause, démarche qui semble gagner l’opinion publique. Selon un sondage Ifop-Fiducial pour Sud Radio et POLLitics, 65 % des Français estiment que les hommes portent une part de responsabilité dans les violences sexistes. Comment interpréter cette affirmation. Jusqu’où va cette responsabilité imputée « aux » hommes. Est-ce à dire que, peu ou prou, tous seraient de près ou de loin impliqués et complices d’une posture de domination machiste considérant le corps des femmes comme un objet à utiliser selon leur bon plaisir ? Un tel raccourci est courant. Il est assez souvent utilisé par certains défenseurs de catégories discriminées de la population.
C’est entre 15 et 20 millions d’Africains qui ont été déportés par les esclavagistes. C’est là un héritage lourd à porter tant pour une Europe s’étant enrichie grâce à cette traite que pour des Etats-Unis ayant prospéré sur les massacres des nations indiennes et l’exploitation des esclaves. Encore aujourd’hui, la peste du racisme est loin d’avoir disparu. Faut-il, pour autant, considérer que tous les blancs ont une responsabilité dans les violences racistes ?
C’est près de 6 millions de juifs qui ont été massacrés lors de la seconde guerre mondiale, les pogroms continuant après la libération, notamment en Pologne. Il fallut attendre les années 1970 pour que la réalité de la Shoah soit enfin vraiment reconnue. Encore aujourd’hui, le choléra antisémite persiste. Faut-il pour autant considérer que tous les goys (non-juifs) ont une responsabilité dans les violences antisémites ?
C’est en 1982 que le délit homosexualité a été abrogé en France et en 1990 que cette orientation sexuelle a été supprimée de la liste des maladies mentales de l’organisation mondiale de la santé. Encore aujourd’hui, le cancer de l’homophobie perdure, comme le montre cette condamnation d’un couple parental, à Amiens le 5 octobre dernier, pour les violences exercées contre leur fils gay. Faut-il pour autant considérer que tous les hétérosexuels ont une responsabilité dans les violences homophobes ?
Poser ce type de questions, c’est y répondre. La raison en est simple, « les » hommes, « les » blancs, « les » goys, « les » hétérosexuels … cela n’existe pas ! Ce qui existe, ce sont « des » hommes, « des » blancs, « des » goys, « des » hétérosexuels… Comme d’ailleurs « des » femmes, « des » noirs, « des » juifs, « des » homosexuels. A chaque fois, chacune de ces personnes est traversée par une éducation et une culture, une idéologie et des valeurs, avec en outre éventuellement une pratique religieuse … toutes choses qui la font agir et se comporter d’une manière singulière.
Si chacun(e) doit bien rendre compte devant la justice de ses actes criminels ou délictueux, leurs pairs n’ont pas à en assumer les conséquences, uniquement parce qu’ils partagent la même couleur de peau, le même genre ou la même orientation sexuelle que le mis en cause.
Ce n’est donc jamais les catégories genrée, ethnicisée, socioprofessionnelle etc… en tant que telles qui doivent être mises en accusation, mais les convictions, les traditions, les concepts moraux, les idéologies qui les traversent, les animent et les font adopter des comportements répréhensibles.
Pour ce qui concerne les viols de Marzan, je revendique de ne pas me sentir tout ou partie responsable, en tant qu’homme. Pas plus que je ne suis complice du racisme, de l’antisémitisme ou de l’homophobie de certains de mes proches, je ne le suis du patriarcat. A une condition toutefois : que je ne me compromette pas avec leurs dogmes nauséabonds. Je refuse d’être essentialisé, en étant enfermé dans une de mes identités, fusse-t-elle celle du genre à laquelle j’appartiens et qui me condamnerait à être comptable des crimes que certains de ses membres commettent.