Mettre les voiles… sur l’affichage de sa religion

On connaissait l’affaire « Baby Loup », voilà l’affaire « AARS » !

Pour mémoire, la première remonte à 2008. Cette crèche associative licencie sa directrice adjointe qui se présente à son travail en portant un voile islamique intégral, en contradiction avec un règlement intérieur précisant explicitement la laïcité et la neutralité que doit respecter son personnel. Saisie, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) désapprouve très clairement l’employeur. Dans le même temps, les Prud’hommes valident sa décision. La cour d’appel de Versailles confirme le jugement qui est ensuite remis en cause par la Cour de cassation renvoyant l’affaire vers la Cour d’appel de Paris. Cette dernière confirmera la validité de la sanction. A nouveau saisie, la Cour de cassation déboutera la plaignante. Nouveau retournement, en 2018, le Comité des droits de l’homme de l’ONU reconnait dans un avis non contraignant que ce licenciement relève bien d’une « une discrimination en raison des convictions religieuses » (cf Affaire de la crèche Baby Loup — Wikipédia (wikipedia.org))

Et voilà que tout recommence avec l'association Accueil et réinsertion sociale de Nancy (AARS) qui licencie deux salariées portant le voile islamique. Plus précisément, elle leur propose un licenciement, une démission ou une rupture conventionnelle. Drôles d’options : voulez-vous vous suicider, que je vous coupe la tête ou que nous appuyons ensemble sur la gâchette du pistolet braqué sur votre tempe ! Les syndicats et une partie des salariés se mobilisent par solidarité, faisant état de l’excellent travail de ces deux professionnelles. Va-t-on, à l’image de Baby loup, partir pour une procédure de dix années ?

Certes, l’adoption récente, cet été, d’un nouveau règlement intérieur interdisant aux salarié(e)s le port de signes religieux pendant leur travail rend complexe une sanction rétroactive sur un port de voile qui ne posait pas jusque-là problème.

Effectivement, le soutien apporté par Bruno Retailleau, ci-devant nouveau ministre de l’Intérieur particulièrement bienveillant envers les migrants et la religion musulmane ne constitue pas un soutien des plus enviables !

Bien sûr, l’ambiance islamophobe empuantit l’atmosphère du débat public.

Mais enfin, on n’a pas réussi à faire sortir par la porte de nos établissements des bonnes sœurs en robe et scapulaire noire, pour voir entrer par la fenêtre le voile islamique ! S’il y a bien quelque chose d’indiscutable, c’est de protéger la religion contre toute atteinte et discrimination. Elle doit pouvoir s’exprimer dans l’espace public au même titre que d’arborer des cheveux teints en rouge ou bien une mode vestimentaire bohème, classique ou fashion. C’est bien la liberté d’expression qui est en jeu. Pourtant, notre société a fait un choix, potentiellement contestable : imposer la neutralité politique et religieuse aux fonctionnaires et de la préconiser aux associations exerçant une mission de service public. Les signes attestant de convictions personnelles de cet ordre n’ont rien à y faire, point ! Les croyances doivent être gardées pour soi : ni affichage, ni prosélytisme. Chaque membre du personnel doit pouvoir être sollicité, sans qu’il soit possible d’identifier ses orientations idéologiques ou confessionnelles.

Il revient au lecteur de se faire sa propre opinion en se sentant solidaire de ces deux salariées et des syndicats qui les soutiennent ou de considérer qu’elles doivent choisir entre l’affichage de leur religion et leur poste de travail. On aura compris qu’en ce qui me concerne, j’ai choisi.