Pour le droit à l’offense
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dans Billets d'humeur
Tout un chacun peut s’indigner du propos d’autrui. Où finit la polémique et où commence l’outrage ? Telle est la question qu’il est possible de poser.
Nos identités culturelles, professionnelles, sexuées, symboliques … sont multiples et diversifiées. Elles sont le plus souvent mouvantes et évolutives. Pourtant, certaines d’entre elles prennent une telle importance qu’elles produisent une adhésion viscérale des plus réactive, dès que la moindre critique les atteint. Chacun se sent dès lors offensé à la première remarque désobligeante. Mais à vouloir toujours préserver les susceptibilités des un(e)s et des autres la liberté d’expression ne s’en trouve-t-elle pas réduite ?
Dans une société pluraliste, le droit à la contradiction est constitutif de la démocratie. On doit pouvoir tenir des propos qui, du fait même de la légitime diversité des points de vue, choqueront peut-être la sensibilité d’autrui, sans pour autant être contraints à la censure : caricaturer une religion, condamner une politique, s’attaquer à une théorie, remettre en cause une représentation de la société, déprécier un style musical, discréditer une action entreprise, dénoncer un comportement, vilipender une personne, réprouver une décision de sa hiérarchie etc…
Et rire d’autrui ?
Une pudeur particulière s’attache à préserver les minorités, qu’elles soient ethniques, genrées ou invalides. Le meilleur traitement d’égalité que l’on puisse accorder à la « différence » n’est-elle pas de lui reconnaitre le droit inaliénable à subir elle aussi la dérision et le trait d’esprit ? L’humour peut s’avérer libérateur, quand toutefois la moquerie stigmatise.
La limite de l’inacceptable est franchie avec l’insulte ou l’atteinte à l’honneur ou à la considération. Ce n’est dès lors plus de la malice, mais un délit. Et le code pénal le punit. Toute la difficulté est de fixer le curseur entre la blessure subjectivement ressentie et la nuisance objectivement subie. Ce qui est le plus délicat à déterminer. Les juges sont là pour trancher.