Un nouveau tour de manège !

S’il est une évolution particulièrement déstabilisante qui s’est emparée des maisons d’enfants à caractère social, c’est bien la dérive prostitutionnelle des enfants qui y sont accueillis. Comment imaginer que dans notre pays des petites de 11 ou 12 ans soient violées par de sombres brutes, payant pour cela des réseaux de prostitution enfantine ? Cette pédo-criminalité sévissait jusque-là dans les pays les plus pauvres. Et voilà qu’elle s’installe aux portes des espaces dédiés à protéger les plus vulnérables. Le cauchemar est à son comble quand certaines des victimes deviennent à leur tour proxénètes, entraînant les plus jeunes.

Les professionnels se sentent désarmés, impuissants et révoltés. Il n’en faut pas plus pour qu’une fois de plus, la protection de l’enfance soit visée et montrée du doigt comme principal responsable de cette horreur. Un avocat marseillais s’en est même fait le champion, pourfendant ses services, en déposant plainte contre les Présidents de plusieurs Conseil départementaux. Le coup médiatique, la démagogie, la recherche du bouc émissaire, la simplification à outrance … Tout y est !

Mais, après l’ASE, à qui va-ton s’en prendre ? Aux centres de cancérologie accusés de ne pas réussir à sauver tous leurs patients ? Aux services d’incendie coupables de ne pas être en capacité d’éteindre tous les feux contre lesquels ils interviennent ? Ou à la société nationale de sauvetage en mer qui ne réussissent pas toujours à éviter les naufrages en mer ? Les hôpitaux réclament les meilleurs scanners médicaux permettant une Imagerie par Résonance Magnétique des plus précises. Les pompiers sont en attente de Caméras thermiques leur permettant de détecter les sources de chaleur. Les sauveteurs en mer s’équipent de vedettes insubmersible et autoredressable, conçue pour naviguer dans des conditions extrêmes. Mais aucun de ces équipements ne fournira jamais de garantie absolue contre la survenue de mort.

Les rapports s’accumulent, les constats s‘enchaînent, les scandales s’égrènent. Les professionnels de la protection de l’enfance alertent depuis des années contre la pénurie de moyens qui ne leur permet pas de travailler correctement. Ils continuent à faire leur possible dans des accueils submergés, des équipes trop souvent incomplètes minées par le découragement et l’écœurement, des mesures de placement non exécutées.

Mais tout cela est négligeable. Tout cela n’a aucun impact. Tout cela n’a rien à voir avec le sujet. On vous le dit et on vous le répète : la protection de l’enfance est dans une incompétence systémique, l’ASE tue, ses services sont sans aucun doute complices.

Et pourtant, à bas bruit, des dizaines de milliers de professionnel agissent au quotidien, réussissant comme ils le peuvent à accompagner près de 300 000 mineurs, dont un peu moins de la moitié vit en famille. Ils le font dans le silence assourdissant que leur impose le secret professionnel.

Alors oui, la prostitution des mineur(e)s placé(e)s (ou non) est un défi terrible à relever. Oui, les travailleurs sociaux inventent, innovent et s’ajustent pour tenter d’y faire face. Mais il ne revient pas à la seule protection de l’enfance de s’y confronter. C’est aussi à la société toute entière de se mobiliser. Dans les années 70, face la toxicomanie qui fit de terribles ravages dans la jeunesse, le travail social sut s’adapter. Aujourd’hui, c’est la prostitution qui se répand trop vite et trop largement. Il saura là aussi y répondre, pour autant qu’on lui en donne les moyens. Mais au final, il est trop facile de lui confier des grenades dégoupillées et de lui reprocher ensuite de n’avoir pas réussi à éviter qu’elles n’explosent.