Je suis fier de la justice de mon pays
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dans Billets d'humeur
Il est rare que, dans ce site, je me réjouisse d’actes positifs. Ne boudons pas notre plaisir !
« Qui vole un œuf va en prison, qui vole des millions va au palais Bourbon. » Ce slogan des années 1970 commencerait-il à être remis en cause ? Il suffit de récapituler les dernières condamnations pénales de responsables politiques pour le démontrer.
En juin 2020, François Fillon est condamné pour détournement de fonds publics et abus sociaux, peine confirmée en appel en mai 2022. Au mois de mars 2025, 24 responsables du Rassemblement ex-Front National sont condamnés, accusés de détournement de fonds publics. Le jugement en appel se tiendra à compter de janvier 2026. Nicolas Sakozy est condamné successivement à des peines de prison en mars 2021 (définitive), en septembre 2023 (en cassation) et en septembre 2025 (en appel).
Que n’a-t-on pu entendre chez certains éditorialistes, hommes ou femmes politiques, commentateurs sur ces pauvres élites, victimes des « juges rouges » ou d’instrumentalisation politique, de règlements de compte ou de cabinets noirs ? La répression de la délinquance du quotidien se fait de plus en plus implacable, avec un taux d’occupation moyen des prisons de 135,9 % (29 établissements dépassant les 200 %). Mais les forces politiques qui n’ont cessé d’aggraver cette répression devraient bénéficier de la mansuétude du fait de leur statut de délinquants en col blanc.
Au-delà de ces tentatives d’aggraver encore la justice de classe qui frappe les plus pauvres et affranchit les nantis, il convient de situer le courage des magistrats osant s’attaquer aux puissants dans un mouvement plus large. C’est celui de Mee-to qui dénonce le paradigme patriarcal établissant un rapport de domination des hommes sur les femmes. C’est la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) qui dénonce les 160 000 viols de mineurs, chaque année dans notre pays. C’est le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) évaluant à 330 000 les victimes d’agressions sexuelles dans l’Église depuis 1950. C’est la vague de dénonciation de victimes de ces actes dans une dizaine d’internats scolaires catholiques. Mais surtout, c’est le changement de sensibilité d’une opinion publique qui ne tolère plus de tels comportements qu’elle a longtemps banalisés.
Un des arguments pour freiner la sanction judiciaire des responsables politiques corrompus serait d’encourager le sentiment du « tous pourris ». Les femmes qui meurent sous les coups de leur conjoint font-elles de tous les hommes des meurtriers en puissance ? Les agressions sexuelles commises par des prêtres font-elles de tous les prélats des pédophiles ? La sanction pénale des responsables politiques, pour corruption, fait-elle de tous élus des corrompus ? Poser ces questions, c’est y répondre.
De la même manière que l’augmentation statistique des cas de cancer après une campagne de prévention ne signifie pas leur aggravation, mais une meilleure détection et prise en compte, plus de condamnations pénales pour agressions sexuelles ou corruption n’induit pas une explosion de leur importance numérique, mais une plus grande révélation de leur existence, leur part d’invisibilité se réduisant d’autant.
Réjouissons-nous d’une justice qui met en pratique le principe républicain : « tous égaux devant la Loi ». Et saluons le courage des magistrats qui font leur travail, en osant s’affronter aux puissants.