Politique de l’enfance : pas de quoi pavoiser !
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dans Billets d'humeur
En un temps où l’on ne parle que de réduire le déficit creusé par les 210 milliards d’euros consacrés à la compétitivité des entreprises, il est utile de faire le point sur le sort réservé par notre pays à ses enfants.
Un tel bilan est désormais établi régulièrement notamment par l’UNICEF (1). Défense des enfants international-France (2) le fait aussi de longue date, le collectif Agir ensemble pour les droits de l’enfant (3) se centrant sur le respect- ou non de la Convention internationales des droits de l’enfant.
Notre pays a réussi à faire reculer le taux de mortalité infantile qui était de 113,7 ‰ en 1945 à 3,6 ‰ en 2005, avec une remontée à 4,1 ‰ pour 2023 (4). C’est un progrès considérable, grâce au dispositif de la protection maternelle et infantile. Mais, (5) ce service a perdu 270 postes de médecins en équivalent temps plein en moins, entre 2016 et 2019. Faute de moyens, ses équipes se concentrent sur la période périnatale et les deux premières années de la vie de l’enfant, alors que leur mission va jusqu’à 6 ans. D’où une baisse annuelle moyenne de 4,5% du nombre de consultations infantiles sur cette même période…
Notre pays est historiquement pionnier dans la création des crèches, la première voyant le jour en … 1844. Aujourd’hui, l’accueil de la toute petite enfance continue à souffrir d’un déficit 230 000 places, transformant la quête des familles en parcours du combattant pour trouver une opportunité. Sans compter les enquêtes (6) révélant les conséquences de la libéralisation du marché de la petite enfance : course au rendement, recherche du remplissage à tout prix, inscription de plus d’enfants que de places disponibles, fonctionnement à flux tendu, non-remplacement des personnels absents, restriction de nourriture misant sur les absences, limitations de fournitures (couches, gants, etc …), marketing prenant le pas sur la pédagogie etc…
Notre pays peut s’enorgueillir d’un système scolaire obligatoire à partir de 3 ans, sauf pour un enfant sur quatre, porteur de handicap qui n’est pas scolarisé. Quant aux inégalités dans la réussite scolaire, elles se concentrent socialement : 53% d'enfants de cadres dans les classes préparatoires aux grandes écoles et seulement 7% d'enfants d'ouvriers. Mais aussi spatialement : 63% des élèves issus de milieux sociaux défavorisés fréquentent 10% des collèges et à l’inverse 10% des collèges accueillent moins de 15% d’élèves issus de milieux défavorisés.
Dans notre pays, les écoles et lieux de résidence des enfants restent insuffisamment protégés des pollutions : 3 enfants sur 4 respirent un air pollué.
Du revenu initial (sans prestations sociales) au revenu disponible (avec prestations sociales), le taux de pauvreté diminue, passant de 22,3% à 14,8%. Pourtant, si en 2008 le taux de pauvreté des enfants avait augmenté de + 17,3 %, dix ans plus tard, en 2018, il s’est accru de + 21%.
Même si les crédits dédiés aux sans-logis ont bénéficié d’un taux de croissance annuel moyen de 9,2% de 2017 à 2022, il restait en septembre de cette dernière année 42 756 enfants sans-domicile et 5 695 enfants vivant en bidonvilles, en France métropolitaine. A la rentrée 2024, 10 000 d’entre eux vivent à la rue avec leurs parents.
Les violences sexuelles impactent chaque année 160 000 enfants, les négligences ou les violences psychologiques 1 enfant sur 10. Un enfant est tué tous les cinq jours par l'un de ses parents.
La rétention administrative des migrants a conduit à l’enfermement de 33 786 enfants (dont 1 460 en métropole et l’immense majorité à Mayotte) depuis 2012.
Bref, si notre pays n’a guère à rougir de son bilan face à bien d’autres nations, nous sommes loin de pouvoir en être fiers, au regard des chiffres qui viennent d’être énoncés. Bien des facteurs expliquent ce constat. L’un d’entre eux reste quand même la persistance des inégalités sociales qui percutent de plein fouet un certain nombre d’enfants et au passage toujours les mêmes. Faut-il s’en remettre au dicton : « quand je me regarde je me désole, quand je me compare, je me console » ? Le combat pour faire avancer la situation des enfants n’a pas de terme : il doit être permanent.
(1) Jusqu’à il y a 20 ans, les antennes nationales implantées dans les pays dits développés comme la France se contentaient de lever des fonds, mais avaient reçu ordre de ne pas s’intéresser à la situation des enfants de leur propre pays. Les choses ont évolué. On voit donc l’UNICEF-France prendre des postures parfois cinglantes sur le sort des enfants en France.
(2) https://www.dei-france.org/
(3) https://www.collectif-aede.org/
(4) « 4,1. Le scandale des accouchements en France » Sébastien Leurquin et Anthony Cortes, Éd. Buchet-Chastel, 2025, 208 p.
(5)ApercuDroitsEnfantsFrance2022_final-doublespages.pdf (unicef.fr).
(6)« Le prix du berceau » Daphnée Gastaldi et Mathieu Perisse, Éd. du Seuil, 2023, 203 p. / « Babyzness » Bérangère Lepetit, Elsa Marnette, Éd. Robert Laffont, 2023, 328 p. / « Les ogres » Victor Castanet, Éd. Flammarion, 2024, 414 p.