Duplantier Gaëlle - Force de police 2

« Il faut s’opposer aux actes injustifiés de violence des forces de police » 

Gaëlle Duplantier est avocate au barreau de d’Orléans. Elle est membre de la commission juridique d’Amnesty International. Parmi les nombreux rapports nationaux et internationaux qui se sont inquiétés des violences policières en France, celui d’Amnesty international (1) est l’un des plus précis. Nous avons demandé à l’un de ses membres de nous présenter certaines des préconisations de son association.

 

Votre rapport dénonce le racisme, les mauvais traitements dont se rendent coupables certains policiers et l’impunité dont bénéficie leurs actes : que préconisez-vous pour y remédier ?

Gaëlle Duplantier : Notre revendication première, c’est bien qu’il n’y ait plus de discriminations, pas plus dans la police que dans le reste de la société. Mais, pour parler plus particulièrement de la police, il n’est pas normal que dans un pays comme la France, les contrôles d’identité se fassent trop souvent au faciès. Les 18 cas présentés dans le rapport 2005 d’Amnesty International, concernent dans leur quasi-totalité des personnes d’origine étrangère ou ayant un nom à consonance tout aussi étrangère (alors que la plupart sont français). Ce que nous préconisons, c’est que les policiers soient mieux formés, afin qu’ils n’aient pas un a priori négatif en fonction de la nationalité supposée des personnes auxquelles ils ont à faire. Nous demandons aussi que, parallèlement aux instances de contrôle interne aux forces de police, se mettent en place des commissions externes et indépendantes qui puissent enquêter en toute transparence sur les cas où des citoyens affirment avoir été victimes d’actes illégaux de violence policière. Enfin, il nous semble essentiel que soit rétablie une plus juste proportion entre les lourdes condamnations des justiciables qui se rendent coupables d’agression contre les forces de l’ordre et les sanctions très légères quand ce sont des policiers ou des gendarmes qui blessent ou tuent de façon tout à fait injustifiée.

 

La montée actuelle de l’ambiance répressive ne risque-t-elle pas d’aggraver la situation actuelle d’impunité ?

Gaëlle Duplantier : Ce n’est pas certain, car, parallèlement, il y a une montée de l’exigence de transparence tant de la part de la justice que des media, comme on l’a vu récemment, lors des émeutes du mois de novembre dernier, quand un policier a été incarcéré, suite à la scène de violence sur un jeune, qui avait été filmée, à son insu, par une caméra vidéo. L’ambiance répressive dont vous parlez donc ne signifie pas forcément que l’impunité va s’aggraver. Elle va sans doute stagner. Mais, je ne vois pas comment cela pourrait être pire que ce qui se passe aujourd’hui.

 

Que conseillez-vous de faire aux travailleurs sociaux qui sont confrontés à des actes de la part de la police qui sont contraires aux droits de l’homme ?

Gaëlle Duplantier : Il faut tout d’abord essayer de bien vérifier tous les détails des faits qui leur sont rapportés ou rendre compte précisément de ce dont ils ont été témoin. Il est essentiel d’être précis, pour ne pas porter des accusations qui s’avèrent ensuite infondées ou malveillantes. S’ils veulent les dénoncer, la meilleure chose à faire est de s’adresser, par lettre recommandée, au procureur de la République du tribunal de grande instance le plus proche du lieu de l’infraction. Car, bien souvent, quand une personne se déplace dans un commissariat pour déposer plainte contre un policier, non seulement, on refuse de prendre sa plainte, mais c’est parfois contre elle que le policier incriminé dépose ensuite plainte pour rébellion et outrage à agent de la force publique. On a vu ainsi la justice condamner un citoyen, suite aux accusations d’un policier et ne juger ce policier (parfois pour le relaxer) que de nombreuses années plus tard. Une fois le courrier envoyé au parquet, l’on peut régulièrement lui téléphoner ou lui écrire, pour connaître l’état d’avancée de l’enquête. Si rien n’est fait, on peut alors alerter les média pour essayer de faire progresser la procédure. Même si les jugements défavorables aux policiers ne sont pas fréquents, tout va dépendre des preuves ainsi que des témoignages dont on dispose. Quand c’est la parole d’un policier contre celle d’un citoyen lambda, surtout si ce dernier est d’origine étrangère, c’est le plus souvent le premier qu’on accrédite. Mais, c’est en multipliant le nombre de procédures que l’on fera changer les choses. Amnesty International peut jouer son rôle d’observateur et parfois d’intervenant dans ce genre de procédure. On peut aussi contacter la commission nationale pour la déontologie et la sécurité.

 

 (1) « Pour une véritable justice. Mettre fin à l’impunité de fait des agents de la force publique dans les cas de coups de feu de morts en garde à vue, de torture et autres mauvais traitements » Amnesty International, France, 2005


Propos recueillis par Jacques Trémintin

Journal du Droit des Jeunes ■ n°255 ■ mai 2006