Muller Jean-Marie - Président de la FNADEPAPE

dans Interviews

Pupille de l’État, éducateur spécialisé, directeur d’un foyer de l’enfance puis d’un ITEP et enfin directeur général d’une association médico-sociale, Jean-Marie Muller, adhérant à l’ADEPAPE-54 depuis 46 ans, évoque le combat de longue haleine pour faire entendre la voix des anciens de l’ASE.

Quelle est la plus belle avancée récente que votre fédération a obtenue ?

C’est certainement notre reconnaissance par la loi de 2016, en tant qu’association officielle d’usagers, partie prenante dans l’élaboration des politiques de protection de l’enfance. Notre entrée dans des instances comme l’ODPE (2), le GIP enfance en danger, les CESSEC (3), vient compléter les acquis de 1982 (présence dans les Conseils de famille), nous rendant plus proches des décisions concernant les mineurs placés. Nous avons ainsi pu obtenir l’inscription dans la loi de la notion de délaissement au lieu de celle d’abandon (jusque-là, il suffisait qu’un parent se manifeste une fois par an pour bloquer toute évolution de la situation de son enfant) et renégocier la définition de nos missions dans le Code de la famille et de l’action sociale. Ce qui favorise la collaboration avec de plus en plus de Conseils départementaux.

 

Quel est l'enjeu principal de votre fédération pour les années à venir ?

C’est la place des jeunes adultes quittant le dispositif de protection de l’enfance. Nous revendiquons notre présence, lors de l’entretien des 17 ans prévu par la loi de 2022. Le rôle d’anciens enfants placés venant encourager et soutenir nous semble important. L’Alsace nous finance un demi-poste, nous associant à la préparation de la transition vers la majorité. Mais, peu de départements nous donne une place. Pour nous, il doit y avoir deux seuils. Le premier, à 18 ans, avec un Contrat jeune majeur qui ne doit plus être une option, selon les territoires, mais une obligation pour l’ASE. Le second, à 21 ans, pourrait être l’occasion de nous déléguer la mission de soutien à l’insertion des anciens enfants placés. Mais nous sommes opposés à l’attribution d’une allocation de droit commun aux jeunes adultes de l’ASE qui exonèrerait les départements de l’accompagnement éducatif qui s’avère encore nécessaire après la majorité.

 

Dans quelle dynamique se trouve actuellement votre fédération ?

Nous rencontrons les mêmes difficultés que dans le reste du monde associatif : l’épuisement potentiel des bénévoles et la pérennisation de l’action menée. Pourtant, nos membres se sont rajeunis depuis quelques années (60 % du Conseil d’administration fédéral est âgé de moins de 35 ans) et nous continuons à créer des associations départementales : dans le Doubs, la Haute Saône, les Alpes de haute Provence, la Martinique, la Guadeloupe… Quand nous avons pris le relai des fondateurs en 1998, nous avons changé de logiciel, troquant le « plus jamais la DDASS » par « heureusement qu’on a quitté nos familles ». Aujourd’hui, il s’agit de passer la main à une nouvelle équipe qui préserve les valeurs qui fondent notre identité, notamment notre indépendance à l’égard des politiques et des associations gestionnaires de la protection de l’enfance.

 
(1) La Fédération nationale des association départementales d’entraide des personnes accueillies en protection de l’enfance
(2) La loi de 2016 fait obligation à tous les départements de se doter d’un Observatoire départemental de la protection de l’enfance.
(3) La même loi a instauré une Commission d’évaluation de la situation et du statut des enfants confiés, chargée de moduler le statut juridique de l’enfant au regard du délaissement parental

 
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Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1324 ■ 04/10/2022