L’émeute

Il y avait trop de vexations.
Il y avait trop d’injustices.
Il y avait trop d’impunités policières.
Et puis ça a craqué.
Le plus étonnant n’est pas tant que l’explosion se soit produite, mais qu’elle ne soit pas survenue bien plus tôt.

Cela aurait pu être à l’initiative de ces millions de salariés contraints de prolonger leur travail pour atteindre le nouvel âge de la retraite.
Cela aurait pu être à l’initiative de ces centaines de milliers de chômeurs impactés par les dernières lois aggravant leurs conditions d’indemnisation.
Cela aurait pu être à celle de ces dizaines de milliers de pauvres vivant dans toujours plus de précarité.

Les discours justifiant tant de régressions auraient pu déclencher la déflagration. Aux premiers, il fut expliqué que trimer plus longtemps était un progrès. Aux seconds, qu’il suffirait de traverser la rue pour trouver du travail. Quant aux troisièmes, il leur faudrait, pour s’en sortir, s’activer pour sortir d’une misère dont ils portaient seuls la responsabilité.

Ni les uns ; ni les autres ne poussèrent leur révolte jusqu’à l’émeute. Finalement ce furent les banlieues qui s’embrasèrent, l’incendie gagnant les centres-ville.

Bien entendu, ce n’était pas à cause de la ségrégation qui frappe les quartiers prioritaires. Ce n’était pas non plus parce que les sans-emplois y sont trois fois plus nombreux que partout. Pas plus d’ailleurs qu’en raison des situations de survie qui s’y déploient.

A coup sûr, c’était la faute aux réseaux, ma brave dame … ou aux jeux vidéo … A moins que ce soit celle des parents, rajouta ce père exemplaire, ci-devant ministre, dont le fils était mis en examen pour violence conjugale !

Faut-il distinguer les bons émeutiers protestant contre la mort de Nahel des méchants pillards ? Faut-il y voir un légitime mouvement de colère ou les méfaits de bandes de casseurs ? Faut-il comprendre la révolte, mais condamner la violence ?

Une chose est sûre, cette rage prend sa source dans ces injustices, ces inégalités et ces discriminations toujours plus insupportables qui frappent les quartiers de relégation. Elle se nourrit aux idéaux d’émancipation, de justice et d’équité qui transcendent le nihilisme apparent. Elle vomit tant de misère, d’indignité et d’humiliation quotidiennes. « Je suis tombé par terre, c'est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau » chantait déjà Gavroche dans Les Misérables de Victor Hugo.

Sauf à avoir capté quelques jours durant l’attention des médias et des autorités, ce déchainement pourrait bien s’avérer stérile.
Les participants interpellés vont chèrement payer les dégradations commises.
La police, protectrice ultime d’un pouvoir aux mains des privilégiés, aura encore plus noirci sa réputation. Ce n’est pas tant le racisme qui fait système en son cœur, que l’impunité des exactions commises par certains de ses membres.
Si une telle violence souffre de bien peu d’efficacité, constatons que son absence n’en a guère plus !
Reste le travail de fourmi produit à bas bruit par tant d’associations et de travailleurs sociaux qui pour sembler creuser une montagne à la petite cuillère, agissent sur le terrain avec courage et détermination.

Tout va se reprendre sa place : un gouvernement toujours plus garant des privilèges des plus riches, des pauvres toujours plus précarisés. Jusqu’aux prochaines émeutes ?

 

A chacun de vos passages sur la page d'accueil, un choix aléatoire de textes archivés s’affiche :
Proximam et IMP - Belgique
« J’habite chez ma mère, à l’IMP » L’expérience belge de “Proximam” - Nos voisins belges nous ont habitué à faire preuve de beaucoup de créativité, en faisant fonctionner des expériences souvent innovantes. Nouvelle illustration : ce travail d’accompagnement à la parentalité déficiente, produit d’un partenariat exemplaire. Au départ, il y a deux établissements que rien ne prédisposait à...
Ecole ouverte Stockfeld - Strasbourg (67)
Qu’est-ce qu’on fait pendant les vacances ? Et si on allait au collège ? « L’école ouverte » : cette initiative a été lancée en 1991 en Ile de France et progressivement élargie à tout le territoire. Son principe de fonctionnement réside dans l’ouverture des collèges et lycées les mercredi et samedi pendant l’année scolaire et durant les vacances, aux jeunes des quartiers en difficulté. S’y mêlent ...
Du nomadisme à la resocialisation
 Utiliser l’itinérance pour stabiliser des jeunes désocialisés : un paradoxe mis en oeuvre par un lieu de vie finistérien et qui marche ! Ribinad signifie en breton « passage étroit », « brèche » ou « bout de chemin ». L’association portant ce nom anime une structure d’accueil non traditionnelle qui accompagne un moment de la vie de jeunes de 14 à 21 ans, en grande difficulté sociale ou ...
Rosenczveig Jean Pierre - Réforme de l'ordonnance de 1945
dans Interviews
 « Faire une économie de réforme : appliquer la loi ! » Jean-Pierre Rosenczveig, observateur vigilant de l’évolution de la justice des mineurs nous livre son regard sur les projets en cours. La délinquance juvénile a-t-elle mué à ce point pour qu’il soit urgent de modifier la loi ?Non. De 1980 à 2011, la délinquance juvénile a cru quantitativement, mais dans une moindre proportion que la...
Le pot de terre contre le pot de fer (1)
Xavier Vannier, responsable du lieu de vie le Petit Bois situé dans le département de l’Orne vient d’adresser une lettre ouverte au Président de son Conseil départemental : « Le 12 décembre dernier, vous m’avez fait part de votre décision de me retirer mon agrément si je ne vous ai pas, au 18 décembre prochain, fourni le nom d’une association qui prendrait la gestion de mon lieu de vie, ...
Comment réussir sa vie adulte quand on sort de l’ASE ?
dans Articles
Parmi les facteurs de réussite ou d’échec de l’accès à l’âge adulte des enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE), il en est un qui est essentiel : les modalités d’accompagnement de ce seuil de passage. Ignorés, négligés, méprisés, les jeunes adultes déjà fragilisés par un parcours douloureux sont laissés trop souvent seuls face aux risques de leur prise d’autonomie. Une situation qui perdure ...
Lire la suite


Mes livres

En mars 2023, j’ai publié aux éditions érès « Fragments de vie d’un référent ASE ». J’y décrivais, à travers 157 vignettes, le quotidien d’un professionnel de cette administration en charge dans notre pays de la protection de l’enfance 




En septembre 2024, j’ai publié aux éditions EHESP « 100 idées reçues sur l’Aide sociale à l’enfance ». Je tentais de répondre à des idées reçues, des préjugés et des contre-vérités ambiantes portant sur cette administration



En décembre 2025, je publie chez Chronique sociale « 50 nuances d’enfants en danger ». Je me lance dans de pures fictions, inspirées par ma pratique professionnelle, dans lesquelles je décris des idéal-types des situations les plus fréquentes rencontrées en protection de l’enfance. Je mets en scène un(e) mineur(e) ou jeune accompagné(e) est son accompagnateur ou accompagnatrice, chacun(e) décrivant de sa place la situation vécue. Il s’agit bien de propos imaginés, ils sont réalistes avec des personnages inventés mais crédibles.


SE PROCURER LE LIVRE


« Bienvenue sur le site de Jacques Trémintin, travailleur social qui n’a cessé d’écrire. Référent à l’aide sociale à l’enfance de 1992 à 2020, partie prenante de Lien Social de 1995 à 2023, contributeur au Journal du droit des jeunes de 1995 à 2017, pigiste dans le Journal de l’animation depuis 1999… l’accompagnement des enfants et familles, le maniement de la plume ou du clavier, l’animation de colloques ou de formations répondent au même plaisir de transmettre. Ce que fait aussi ce site, dont le contenu est à libre disposition à une seule condition : savoir garder son esprit critique et ne rien considérer d'emblée comme vrai ! »

Retrouvez les sites

du Journal de l’animation : www.jdanimation.fr
et de mon collègue et ami Didier Dubasque : www.dubasque.org