Aujourd’hui n’est pas hier

Il est des nostalgies qui s’accrochent aux refrains réactionnaires « c’était mieux avant » auxquelles répondent d’autres affirmations improbables s’entêtant à prétendre « c’est pareil qu’avant ».

Pour vérifier ces assertions, il suffit de lire les récits rédigés par d’ancien « pupilles » confrontés à l’ASE dans les années d’après-guerre. Rejet des familles naturelles considérées par essence comme toxiques ; mépris à l’égard de la parole de l’enfant qui n’était jamais consulté ; violences éducatives banalisées voire naturalisées tant chez les parents que dans les lieux de placement ; puissance paternelle dominante ; soumission et obéissance élevées au rang de valeurs premières de l’éducation ; enfants placés et déplacés comme des boites de conserve ; familles nourricières peu contrôlées, pas formées, pas qualifiées ; décisions de retrait de l’enfant se prolongeant jusqu’à sa majorité sans révision périodique ; suivis des placements quasi inexistants ; équipes professionnelles de l’ASE réduites à portion congrue ; prégnance d’une morale très jugeante dans l’évaluation des situations etc … on n’en finit plus d’énumérer ces sinistres et glauques pratiques d’une autre époque.

S’il faut garder l’esprit critique quant aux dérives actuelles de l’ASE, on ne peut absolument pas les comparer à celles en vigueur jusqu’aux années 1970-80. Tout simplement parce que la société a changé … et l’ASE aussi.

La remise en cause toujours croissante du patriarcat ; la reconnaissance des droits des femmes puis des enfants ; la lutte contre la maltraitance et l’inceste ; le renoncement progressif à la substitution de la place des parents au profit d’une coéducation ; la création au sein des établissements de protection de l’enfance des conseils de la vie sociale où siègent des parents et des enfants ; la professionnalisation des familles d’accueil ; l’intégration des apports des sciences humaines dans les évaluations ; la sortie du seul carcan normatif ; la valorisation de l’autonomie de la personne et de son rôle d’acteur de sa vie ; la diversification des équipes avec le recrutement de psychologues ; l’effondrement du nombre d’enfants confiés passés de  230 000 en 1970 à environ 170 000 aujourd’hui ; l’émergence puis le développement de l’action éducative en milieu ouvert représentant aujourd’hui la moitié des interventions de l’ASE ; l’accent mis sur la prévention autrefois inexistante ; la diversification des modalités d’intervention (lieu de vie et d’accueil, village d’enfants, séjours de rupture, placement à domicile ou séquentiel, AEMO renforcée…), les dispositifs de bas seuil ….

Bien sûr, ces évolutions sont loin d’être achevées, certaines étant en cours de réalisation, et d’autres peinant à s’imposer. Evidemment, toutes les situations d’enfants en danger ne trouvent pas forcément une réponse adaptée et il faudra que les professionnels sollicitent leur créativité afin de s’ajuster encore et toujours à leur complexité. Bien entendu qu’un problème n’est jamais résolu sans potentiellement en voir émerger d’autres.

Mais la seule chose dont on peut être certain c’est qu’on ne peut en aucun cas comparer l’ASE d’aujourd’hui avec l’ASE d’hier. De la même façon que la protection de l’enfance qui fonctionnera dans cinquante ans diffèrera sur bien des points saillants, de celle qui se déploie aujourd’hui. Espérons-le en bien.

 

A chacun de vos passages sur la page d'accueil, un choix aléatoire de textes archivés s’affiche :
Un dispositif de prévention précoce: le Relais parental
Quand un placement d’enfants intervient, on se demande souvent comment on aurait pu l’éviter. Mais il est trop tard. Les relais parentaux, eux y pensent avant. Il arrive parfois qu’une famille soit confrontée à une difficulté majeure dans la relation à ses enfants: maladie ou hospitalisation d’un parent, horaire de travail très décalé, brutale montée de tension, difficulté psychologique...
Un séjour de rupture en France? L’exemple des Gentianes (74)
Vers où orienter, pour quelques semaines, un jeune en pleine crise, afin qu’il s’apaise ? Combien d’équipes ne se posent-elles pas cette question, régulièrement, sans avoir de réponse. Un établissement propose cette solution, mais est bien trop seul à le faire. On a pris l’habitude de limiter le principe du séjour de rupture au départ vers des contrées étrangères qui rompt avec le mode de vie ...
Dossier sur le Québec
D’un pays a l’autre... Le système juridique québécois puise ses sources dans les traditions à la fois anglo-saxonne et française.La première inspiration, d’origine  britannique se manifeste surtout par le régime dit accusatoire. C’est à la police et au ministère public d’apporter la preuve de l’infraction et de la culpabilité. Si celle ci n’est pas faite, le juge a alors pour seule alternative que...
« Ça commence toujours par un café »
Ils refusaient d’être stigmatisés par leurs compatriotes. Ils ont voulu démontrer qu’ils n’étaient pas différents d’eux. Ils l’ont dit à travers le théâtre. Le résultat obtenu va bien au-delà de leurs espérances. Ils sont treize dans les coulisses du Théâtre de Saint Nazaire, ce 19 septembre 2015. La pression monte. On n’a pas voulu leur dire combien avait fait le déplacement. Ils ont juste ...
Tour de France des BAFA cuisine
dans Articles
Avril 1987, le stage animé une ultime fois, par un couple engagé depuis cinquante ans auprès de la fédération des amicale laïques du Finistère, est scindé en deux. Monsieur forme à l’économat, Madame à la cuisine. Les salariées de cantines, venues se perfectionner, vont exceller. Jamais des repas de collectivité ne furent sans doute autant appréciés. Outre la diversité proposée (à chaque fois ...
Traitement maltraitance - Belgique
Maltraitance : la Belgique a choisi une double réponse Ne pas limiter le traitement des situations de maltraitance à la seule réponse judiciaire. Cette gestion des mises en danger des mineurs peut surprendre le visiteur français habitué à d’autres certitudes. Attraits et limites du modèle belge. La recherche de l’adhésion de la famille traverse, comme nous venons de le voir, tout le dispositif...


Mes livres

En mars 2023, j’ai publié aux éditions érès « Fragments de vie d’un référent ASE ». J’y décrivais, à travers 157 vignettes, le quotidien d’un professionnel de cette administration en charge dans notre pays de la protection de l’enfance 




En septembre 2024, j’ai publié aux éditions EHESP « 100 idées reçues sur l’Aide sociale à l’enfance ». Je tentais de répondre à des idées reçues, des préjugés et des contre-vérités ambiantes portant sur cette administration



En décembre 2025, je publie chez Chronique sociale « 50 nuances d’enfants en danger ». Je me lance dans de pures fictions, inspirées par ma pratique professionnelle, dans lesquelles je décris des idéal-types des situations les plus fréquentes rencontrées en protection de l’enfance. Je mets en scène un(e) mineur(e) ou jeune accompagné(e) est son accompagnateur ou accompagnatrice, chacun(e) décrivant de sa place la situation vécue. Il s’agit bien de propos imaginés, ils sont réalistes avec des personnages inventés mais crédibles.


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« Bienvenue sur le site de Jacques Trémintin, travailleur social qui n’a cessé d’écrire. Référent à l’aide sociale à l’enfance de 1992 à 2020, partie prenante de Lien Social de 1995 à 2023, contributeur au Journal du droit des jeunes de 1995 à 2017, pigiste dans le Journal de l’animation depuis 1999… l’accompagnement des enfants et familles, le maniement de la plume ou du clavier, l’animation de colloques ou de formations répondent au même plaisir de transmettre. Ce que fait aussi ce site, dont le contenu est à libre disposition à une seule condition : savoir garder son esprit critique et ne rien considérer d'emblée comme vrai ! »

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