Quand la culpabilité rend aveugle

Le travail social d’aujourd’hui a hérité d’un passé pas toujours reluisant. Parmi les fantômes qui hantent nos professions, il y a ces pratiques eugéniques de stérilisation des jeunes filles porteuses d’un handicap. Comme on ne les considérait pas alors en capacité de faire face à la parentalité, on faisait pratiquer une ligature des trompes, sans qu’elles ne soient ni consultées, ni même informées de la nature de l’intervention chirurgicale. Cette atteinte insupportable aux droits humains assimile la personne à un simple objet dont on peut disposer. Mais n’a-t-on pas tendance aujourd’hui à tordre le bâton dans le sens inverse ? Car, s’il existe des parents porteurs d’invalidité qui se comportent parfois mieux que leurs congénères valides, on peut aussi considérer que certaines déficiences mentales vont rendre particulièrement délicate l’éducation d’un enfant. J’ai le souvenir d’un colloque professionnel où bien des beaux esprits dissertaient généreusement sur la nécessaire liberté dont devaient disposer les personnes différentes. Une mère courage prit alors la parole pour expliquer comment sa fille avait mené sa vie sexuelle jusqu’à l’enfantement. Totalement incapable de gérer son bébé, celui-ci avait été placé. Elle ne le voyait qu’en visite protégée. Et de s’interroger sur le destin d’un enfant mis au monde dans ces conditions. Grand froid dans l’assistance. Les travaux reprirent très vite, en considérant sans doute cette mère comme trop fusionnelle et intrusive dans la vie de sa fille. S’il est légitime de combattre le rejet par principe de toute parentalité chez un adulte qu’il ait ou non un handicap, il l’est tout autant de s’interroger sur le droit inconditionnel « à l’enfant ». Alors que, dans le même temps, on pose des exigences aux couples candidats à l’adoption, faut-il, au nom d’un terrible passé, s’interdire d’interroger le potentiel parental de personnes ayant elles-mêmes le plus grand mal à gérer leur propre autonomie ?

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1295 ■ 11/05/2021

A chacun de vos passages sur la page d'accueil, un choix aléatoire de textes archivés s’affiche :
Handistar 2004 - Carentoir (56)
Alors que l’été bruisse de festivals de toutes sortes, chaque ville n’ayant de cesse que d’organiser qui des spectacles de rue, qui des représentations de théâtre ou de musiques, le monde du handicap ne pouvait rester inactif. Pour la troisième année consécutive, La Ferme du Monde de Carentoir organise une rencontre festive mettant en scène des spectacles montés par des acteurs porteurs de...
Etudier et travailler en même temps
Le témoignage d’étudiants assistants sociaux Financer ses études, en exerçant une activité salariée est loin d’être facile à vivre, mais cela semble faire partie du jeu. Et puis nombre d’étudiants n’ont pas le choix. Le cursus des étudiants en travail social s’étend sur trois années. Au cours de cette période, il faut se rendre à l’école pour les regroupements théoriques, mais aussi sur les lieux de...
CEF - Saint Denis le Thiboult (76)
Les centres fermés peuvent-ils être ouverts à l’éducatif ? Pour les uns, ils sont l’ultime chance avant la prison, pour les autres c’est un lieu de perdition pour tout éducateur qui se respecte… Loin des représentations idéologiques et des polémiques, et afin que chacun se fasse sa propre opinion,  peut-être est-il utile de savoir comment fonctionne concrètement un Centre éducatif fermé ?...
Laëtitia - 1 - L’affaire à travers quelques portraits
Ce qu’un éducateur peut dire, après avoir regardé la série de Jean-Xavier de Lestrade sur France 2. Deux lundis de suite (les 21 et 28 septembre), France 2 a programmé en première partie de soirée six épisodes d’une mini-série consacrée à l’affaire Laëtitia. Ce fait divers, qui remonte à janvier 2011, bouscula tant la protection de l’enfance que le système judiciaire, l’opinion publique que la classe ...
Sillage UEER
Une goutte d’eau bien salée dans l’océan de leur vie Comme cela se passe régulièrement à l’occasion de telle banlieue qui s’enflamme ou de tel fait divers qui place au premier plan la violence des mineurs, on assiste à l’éternel débat entre les tenants d’un recours accru à la répression à l’encontre des jeunes délinquants et ceux qui s’y opposent. Il est légitime que face à l’insécurité, le...
Restaurant Pierre Landais (44)
L’imagination au pouvoir Accéder à la culture serait-il incompatible avec la précarité ? L’action du restaurant Pierre Landais de Nantes démontre le contraire. Riche percepteur du duché de Bretagne qui finira pendu, Pierre Landais ne pouvait imaginer qu’il donnerait son nom à un restaurant social dédié aux plus pauvres.Ce n’est pas l’architecture, ni le décor intérieur qui constituent...




Comprendre la protection de l’enfance - Découvrez l’ASE comme jamais auparavant !

Ce livre démystifie l’Aide sociale à l’enfance (ASE) en répondant à 100 idées reçues. Plongez dans les aspects historiques, juridiques, sociologiques et psychologiques de cette institution essentielle. À travers les éclairages sur le fonctionnement, les objectifs, les limites et les évolutions de l’ASE, ce livre est une ressource précieuse pour tous ceux qui veulent en savoir plus sur cette administration clé de la protection de l’enfance. Découvrez les pratiques professionnelles, les défis quotidiens et les avancées de l’ASE à travers des réponses courtes, détaillées et précises.

Ce livre s’adresse principalement aux professionnels de l’action sociale et aux étudiants, mais il intéressera également les journalistes, universitaires, décideurs politiques, enfants et familles confrontés à l’ASE, ainsi que tout public désireux d’approfondir ses connaissances sur ces dispositifs souvent méconnus. Un ouvrage essentiel pour lever le voile sur cette institution discrète mais cruciale.

« Aujourd’hui à la retraite, Jacques Trémintin a accepté ce défi et il sait de quoi il parle, cette institution, il lui a consacré près de trente ans de sa carrière professionnelle. Il en connaît les arcanes, les moindres recoins. Il en connaît les hommes et les organisations, il a soutenu ses ambitions, s’est heurté à ses contradictions. Il a côtoyé tant d’enfants que ces enfants font désormais partie de lui. Il le dit lui-même, il s’est trompé parfois, il a essayé souvent, mais jamais il n’a triché. » (Extrait de la préface de Xavier Bouchereau, ancien éducateur spécialisé en AEMO, chef de service éducatif)

 « 100 idées reçues sur l’aide sociale à l’enfance » Jacques Trémintin, Éd. EHESP, 2024, 313 p.

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« Bienvenue sur le site de Jacques Trémintin, travailleur social qui n’a cessé d’écrire. Référent à l’aide sociale à l’enfance de 1992 à 2020, partie prenante de Lien Social de 1995 à 2023, contributeur au Journal du droit des jeunes de 1995 à 2017, pigiste dans le Journal de l’animation depuis 1999… l’accompagnement des enfants et familles, le maniement de la plume ou du clavier, l’animation de colloques ou de formations répondent au même plaisir de transmettre. Ce que fait aussi ce site, dont le contenu est à libre disposition à une seule condition : savoir garder son esprit critique et ne rien considérer d'emblée comme vrai ! »

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