Quand la culpabilité rend aveugle

Le travail social d’aujourd’hui a hérité d’un passé pas toujours reluisant. Parmi les fantômes qui hantent nos professions, il y a ces pratiques eugéniques de stérilisation des jeunes filles porteuses d’un handicap. Comme on ne les considérait pas alors en capacité de faire face à la parentalité, on faisait pratiquer une ligature des trompes, sans qu’elles ne soient ni consultées, ni même informées de la nature de l’intervention chirurgicale. Cette atteinte insupportable aux droits humains assimile la personne à un simple objet dont on peut disposer. Mais n’a-t-on pas tendance aujourd’hui à tordre le bâton dans le sens inverse ? Car, s’il existe des parents porteurs d’invalidité qui se comportent parfois mieux que leurs congénères valides, on peut aussi considérer que certaines déficiences mentales vont rendre particulièrement délicate l’éducation d’un enfant. J’ai le souvenir d’un colloque professionnel où bien des beaux esprits dissertaient généreusement sur la nécessaire liberté dont devaient disposer les personnes différentes. Une mère courage prit alors la parole pour expliquer comment sa fille avait mené sa vie sexuelle jusqu’à l’enfantement. Totalement incapable de gérer son bébé, celui-ci avait été placé. Elle ne le voyait qu’en visite protégée. Et de s’interroger sur le destin d’un enfant mis au monde dans ces conditions. Grand froid dans l’assistance. Les travaux reprirent très vite, en considérant sans doute cette mère comme trop fusionnelle et intrusive dans la vie de sa fille. S’il est légitime de combattre le rejet par principe de toute parentalité chez un adulte qu’il ait ou non un handicap, il l’est tout autant de s’interroger sur le droit inconditionnel « à l’enfant ». Alors que, dans le même temps, on pose des exigences aux couples candidats à l’adoption, faut-il, au nom d’un terrible passé, s’interdire d’interroger le potentiel parental de personnes ayant elles-mêmes le plus grand mal à gérer leur propre autonomie ?

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1295 ■ 11/05/2021

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Comprendre la protection de l’enfance - Découvrez l’ASE comme jamais auparavant !

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« Aujourd’hui à la retraite, Jacques Trémintin a accepté ce défi et il sait de quoi il parle, cette institution, il lui a consacré près de trente ans de sa carrière professionnelle. Il en connaît les arcanes, les moindres recoins. Il en connaît les hommes et les organisations, il a soutenu ses ambitions, s’est heurté à ses contradictions. Il a côtoyé tant d’enfants que ces enfants font désormais partie de lui. Il le dit lui-même, il s’est trompé parfois, il a essayé souvent, mais jamais il n’a triché. » (Extrait de la préface de Xavier Bouchereau, ancien éducateur spécialisé en AEMO, chef de service éducatif)

 « 100 idées reçues sur l’aide sociale à l’enfance » Jacques Trémintin, Éd. EHESP, 2024, 313 p.

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« Bienvenue sur le site de Jacques Trémintin, travailleur social qui n’a cessé d’écrire. Référent à l’aide sociale à l’enfance de 1992 à 2020, partie prenante de Lien Social de 1995 à 2023, contributeur au Journal du droit des jeunes de 1995 à 2017, pigiste dans le Journal de l’animation depuis 1999… l’accompagnement des enfants et familles, le maniement de la plume ou du clavier, l’animation de colloques ou de formations répondent au même plaisir de transmettre. Ce que fait aussi ce site, dont le contenu est à libre disposition à une seule condition : savoir garder son esprit critique et ne rien considérer d'emblée comme vrai ! »

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