Sous la loupe

Décidément, France 2 se focalise beaucoup sur la protection de l’enfance, ces temps-ci. Hasard ou proximité du 20 novembre, date anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant ? Il est vrai que dans sa décision en date du 25 janvier 2023 le Comité des droits de l’enfant constatait que notre pays violait ses articles 3, 8, 12, 20 et 37 !

Quoiqu’il en soit, de tels coups de projecteur sont toujours utiles. L’action menée par les professionnels de la protection de l’enfance est rarement expliquée et encore plus difficilement comprise par le commun des mortels. Ce qui est logique quand on sait que seuls 2% des enfants sont concernés. Ce qui ne signifie pas pour autant que les familles qui le sont réussissent toujours mieux à décoder les dispositifs auxquelles elles sont confrontées. Loin s’en faut !

Le 15 novembre, France 2 proposait le reportage « Bébés placés, l’avenir devant eux » qui a fait l’objet du billet de lundi dernier 20 novembre (1).

Bis repetita, le lendemain 16 novembre, diffusion malheureusement toujours aussi tardive de « Refaire famille » (2). Une mise en perspective particulièrement fine du travail des professionnelles dans l’accompagnement des parents. Bien filmé et habilement mis en scène dans l’espace, le récit semble néanmoins un peu confus. On y apprend que le « placement à domicile » pourrait être décidé par le juge des enfants … et le juge des affaires familiales. On se demande ce que ce dernier magistrat vient fait là, mais bon passons. Cette mesure est ensuite présentée comme « expérimentale ». En fait, elle a connu une phase d’expérimentation en 2000 … cela fait quand même 23 ans que l’expérience dure ! Depuis, elle s’est largement répandue comme l’une des diverses modalités de protection, représentant quand même 10 % de l’ensemble des placements (fin 2017). Autre embrouillamini, le mélange entre l’intervention en milieu ouvert, les visites protégées d’enfant placé assimilé au véritable placement à domicile. Enfin bref, même si la réalisatrice ne semble guère avoir compris la complexité des mesures, les situations d’interaction entre les professionnelles et les parents y sont vraiment très bien présentées.

Une semaine ne se passe pas que France 2 programme en première partie de soirée un téléfilm qui sera suivi par trois millions de téléspectateurs : « Je suis né à 17 ans » (3). Thierry Beccaro y met en scène son calvaire d’enfant battu qu’il avait déjà décrit dans un livre dont on pourra trouver la recension sur ce site (4). Pour une fois, ce n’est pas la violence sexuelle qui est privilégiée. Si l’on peine encore à chasser des termes aussi inappropriés que « abus sexuels » (à l’image de l’abus dans la consommation d’alcool faudrait-il modérer les viols d’enfants ?) ou encore pédophilie (la racine grecque de philie signifiant « amour », il faut parler de pédocriminalité), les agressions sexuelles contre les enfants sont largement réprouvées … Faudra juste le faire savoir aux adultes qui continuent chaque année à en agresser 160 000 ! Mais pour ce qui est des violences physiques, la nuance est de mise, du moins si l’on en croit 23% de ces parents qui pratiquent encore la fessée et les 15% les gifles. Bien sûr, pas comme dans ce film. Même si, vous savez bien : « recevoir une claque ça n’a jamais fait de mal à personne » !!! Le téléfilm de Julien Seri s’avère poignant, alternant des scènes présentes et passées. Combien de scènes si banales, comme cette mère enfermée dans le déni, n'ayant jamais protégé son enfant et continuant 40 ans après à ne pas admettre l’extrême gravité des violences infligées. Mais aussi cette tante s’étonnant d’avoir été mise de côté, conséquence de sa passivité face à ce dont elle était témoin ! En choisissant le bourreau, plutôt que sa victime elle s’était montrée complice. Mais aussi la mise en évidence des mécanismes de réminiscence d’un traumatisme enfoui qui resurgit brutalement en se manifestant par des symptômes tant physiques que psychologiques. Oui, cette fiction est utile et nécessaire pour dénoncer ces violences éducatives trop souvent ignorées par réflexe de « ne pas s’occuper de ce qui ne nous regarde pas » ; légitimées par la récurrence du droit à la correction paternelle ; négligée par l’injonction d’avoir à oublier et à passer à autre chose.

La télévision n’est pas toujours des plus pertinentes pour ce qui est des problématiques sociales. Ne boudons pas notre plaisir quand elle l’est !

 

« Bienvenue sur le site de Jacques Trémintin, travailleur social qui n’a cessé d’écrire. Référent à l’aide sociale à l’enfance de 1992 à 2020, partie prenante de Lien Social de 1995 à 2023, contributeur au Journal du droit des jeunes de 1995 à 2017, pigiste dans le Journal de l’animation depuis 1999… l’accompagnement des enfants et familles, le maniement de la plume ou du clavier, l’animation de colloques ou de formations répondent au même plaisir de transmettre. Ce que fait aussi ce site, dont le contenu est à libre disposition à une seule condition : savoir garder son esprit critique et ne rien considérer d'emblée comme vrai ! »

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